Les sortilèges de la nuit

NOSFERATU

Imprécation

Parce que je n'espère plus en l'espérance
Mon sang s'est tari comme le puits d'un désert,
Parce que depuis mille ans, j'attends la sentence,
Je reste prisonnier d'un éternel enfer.
Réveillez-vous et priez pour les trépassés,
Priez pour qu'ils ne reviennent hanter vos nuits !
Que cherchez-vous dans les cimetières meurtris,
Votre effroi sur tous ces visages piétinés ?
Votre pitié n'est que le masque de la honte
De ne pouvoir aimer ce qui n'est pas à vous
Car je vous connais, un seul bien à vos yeux compte
Cette pauvre vie que vous trainez à genou !
Et qui ose encore m'appeler le non-mort,
Vous, sépulcres blanchis, vous, flasques matamores ?
Que de vanités coulant dans les caniveaux !
J'ai, des siècles durant, visité vos tombeaux
Où vos os rongés sifflaient comme des vipères,
J'ai, des siècles durant, erré dans vos caveaux,
Villes de fantômes bêlant leurs partenaires,
"Linceul de chairs" ! Vous chuchotent les vermisseaux.

Invocation

Wilhelmina ! Ma douce flamme tournoyante,
Tes longs cheveux de jais capturaient les étoiles,
Tes yeux de fougère s'ouvraient comme des voiles,
Mon cœur voguait vers les îles étincelantes
Et les nuits nous errions consumés par ce feu
Somnambules foudroyés, phénix fabuleux !
Hélàs , l'hiver enfonça ses serres glaciales,
Ta gorge de saphir s'est fracassée en râle,
J'ai sombré dans les abysses du désespoir,
J'ai imploré tous les Dieux, ces cruels absents,
J'ai sondé les cryptes où rôdaient des déments.
Satan Trismégiste, Belphégor, anges noirs
Damnés de la terre, Réprouvés des enfers !
C'est vous que j'invoquais dans ma folle colère
Pour que l'aube brille à nouveau dans son regard,
Je me suis perdu dans d'atroces cauchemars,
Je me suis livré à d'horribles liturgies,
Le sang de mes proies inondait l'ignoble autel,
J'ai profané les chairs comme un hideux impie.
Wilhelmina ! Wilhelmina ! Quel sort cruel !
Du fond du gouffre obscur où mon âme est tombée,
Je te prie, ô toi, l'unique que j'ai aimée,
Apporte-moi la délivrance, enfin mourir,
Quitter ce corps répugnant et enfin dormir!

Complainte

J'ai rêvé que tu me rêvais,
Ce dédale d'un double exil
Nous ne le quitterions jamais,
C'était un supplice subtil
Pour cet amour vaste et ardent
Qui affronta l'éternité.
Et dans ton rêve, je rêvais
De te rejoindre impatient
Mais l'écho lointain de tes pas
Se perdait dans ce labyrinthe,
Je n'entendais plus que ma plainte
Qui résonnait comme le glas.
Et je me réveillais soudain
De ton rêve si incertain
Dans cette tombe de ténèbres
Où règne une haleine funèbre,
Des larmes de sang ruisselaient,
Les enfants de la nuit dansaient,
Horrible ronde autour de moi,
Monstre immortel au cœur si froid.

Résignation

Tel un torrent fougueux qui arrache les terres
J'ai vu les éons se fracasser dans l'horreur,
Les innocents comblaient les fosses funéraires,
Les indécents montraient leur royale hideur.
Du haut de mon fier château vide, désolé,
J'écoutais les harpes brillantes des étoiles
Qui enchantaient les vents nocturnes, apaisés;
Tant de beautés que notre cécité nous voile !
Frère humain, que n'as-tu compris ma tragédie
Qui n'est que le reflet de ta sombre folie,
Regarde-toi dans ce miroir où meurt le temps,
Regarde ton image approcher du néant,
Tu y verras apparaître Nosferatu,
Ce sera toi ! Alors mortel, que feras-tu?




Ecrit par Banniange
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