Lecture dans un labyrinthe à cinq heures du matin …

L’homme, Antonio, n’y voit plus rien,
Il descend du poids lourd qu’il a conduit toute la nuit.
Il pousse la femme Sabrina devant lui,
Vêtue de plumes au corps,
Ame nue, il n’est que cinq heures du matin.

Tous les halls d’hôtels de Métala à Agios sont identiques.
Sandales froides et poussière de dédale,
Le soleil serait-il en retard ?

Les roues ont tracé la route
Et dans la tête, les idées, l’obsession.
Assumer l’odeur des olives charnues de Kalamata.
Se laisser guider jusqu’à la porte.
Il la tient par la main.
Marche lente vers le destin.

La tête se cogne contre les murs,
Suivre la route du Minotaure,
Longue comme un filet de salive d’araignée.
Trou de soleil dans la verticalité du mur.
La peau de Sabrina, la femme, luit,
Ses plumes battent le vent,
Myriade d’ailes d’abeilles.

« Pose ton sac, Sabrina, secoue tes ailes,
Laisse tomber la rosée. »

Esprit mal éveillé, l’homme Antonio a faim.
Les camions du matin sont lourds,
Quand ils ne s’arrêtent pas la nuit.
Le poids des cauchemars.
Il prend la femme, la serre dans une crainte divine,
Avant qu’elle ne s’envole.

« Tu lis en cachette ! » hurle le Cyclope jésuite.
L’élève pensionnaire, lecteur noyé pris au piège,
Libère Sabrina et pose son livre.

« Je lis le livre VI des Métamorphoses d’Ovide :
Antigone est changée en cigogne,
La reine des Pygmées en grue,
Les paysans de Lydie en grenouilles, et … »

« Et quoi ? »
« Sabrina, fille de Dédale, sœur d’Icare,
Telle Arachné, métamorphosée en araignée,
A filé un fil d’Ariane pour qu’Antonio,
Dans sa poursuite, ne la perde pas. »

Comme toujours, pour retrouver son âme,
Avant que le soleil ne se lève,
Antonio a arrêté son poids lourd,
En reprenant son livre,
A la porte de l’hôtel Labyrinthe.




Ecrit par Jean Pitre
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