Le blouson


C’était un matin de décembre,
Le jour brumeux chassait la nuit
Par des lueurs sorties de l’ombre,
Aux abords, folâtrait le bruit.

En ce matin bien ordinaire
Où j’avançais, tôt, au marché,
Parmi la foule embryonnaire
Un camelot m’a démarché.

« Dix euros, mon gars, dix euros !
Ce beau blouson pour vous ravir,
Dix euros, mon gars, dix euros !
Aujourd’hui faites-vous plaisir. »

Je topai là, la belle affaire
Et retournai à la maison
Montrer l’achat dont j’étais fier,
Ma joie comblée par ce blouson.

A peine la porte franchie
Je déployai sur notre table
Mon trésor, en criant le prix,
A mon épouse imperturbable.

Mais, me dit-elle, ouvrant l’habit :
« Ne vient-il pas d’un monde austère
Où tout un peuple est en survie
Sous le joug d’œuvres négrières ? »

Mon contentement, je l’avoue,
M’a fait oublier la misère
De l’être humain que l’on bafoue
Dans un régime autoritaire.

Alors, depuis, je prends bien soin
De cet habit venu d’ailleurs,
Qu’une vie a fait de sa main
En l’état de peine et de peur.

Mais la question reste posée,
Fallait-il prendre ce blouson ?
Pour qu’en finale l’opprimé
Perçoive moins que de raison,

Ou bien passer et ignorer,
En bannissant tous les profits ?
Lorsque cette âme terrassée,
Se meurt dans un odieux mépris.





Ecrit par Aros
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