Jazz piano bar

La salle est pleine à craquer,
Tout est saturé
De fumées, de voix, de verres,
D'heures éphémères
Où la pénombre s'endort
Et où fait le mort
La bar luisant, immobile,
Enorme et futile.

Sur le clavier j'ai posé,
Sans même y penser,
Mes mains souples et mouvantes,
Rapides et lentes.
Alors un jazz effleuré
Se met à flotter,
Longs accords insaisissables,
Au-dessus des tables.

Puis j'ai senti que tout près,
Dans cet air épais,
Une fille fatiguée
Et désabusée
Est venue s'accouder là,
Complice déjà …
Son parfum remplit l'espace,
Caresse tenace.

Elle me dit : "Mec, tu vois,
Juste sous tes doigts,
Une armée de touches blanches
Ondule des hanches.
Les noires serrent les rangs
Et aussi les dents,
Plus petites, moins nombreuses
Et plus douloureuses …"

Une seconde a suffi,
C'est déjà fini :
La fille s'est éloignée,
Blasée, résignée,
Au bras de son mac, vieux beau
Avec un chapeau,
Qui marche en bombant le torse,
Content de sa force.

Je n'ai jamais oublie
Son regard mouillé,
Sa silhouette lointaine
Et son teint d'ébène,
Ni ce type bedonnant,
Riche et arrogant,
Lui dont le costume ivoire
Hante ma mémoire …


Une gamme au piano : sept touches blanches et cinq noires.
D'où la construction de ce texte sur une alternance d'heptasyllabes et de pentasyllabes.

Il m'a fallu me glisser dans la peau d'un homme …
Une gageure à la mesure de ce thème "Différence" !


Ecrit par Ombrefeuille
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