Cœur de biche

Au gré du vent, au gré du temps, elle caracole follement. Toujours sur le qui-vive, cœur tam-tam inquiet, toujours, elle s’enfuit. Dans l’aube ensommeillée où le brouillard s’étire, elle boit au ruisselet, là où la source cressonne, broutant les jeunes pousses, prunelle aux aguets. Elle hume la brise, naseaux reniflant l’odeur de l’homme, relent de tuerie. Traquée, elle s’enfuit au moindre bruit.
Pourrais-je amadouer cette âme sauvagine, ce cœur de biche effarouché ?
Sous le vent peuplier, je chante en sourdine, juste un murmure de violoncelle, berceuse sans accroc. Les feuilles frémissent sous la brise. Surpris, l’écureuil descend de deux ou trois branches. Et la voici, furtive et curieuse, si vaillante : Pelage lustré couleur terre de sienne, la biche dresse ses oreilles qu’agite une mystérieuse inquiétude. L’âme ravie, elle se plaît à la mélodie qui s’enracine, fait corps avec le terreau. Furtivement, des pépites s’allument dans ses prunelles, un point vif et patient d’attention défiante qui luit sans faiblir dans une étonnante mobilité.
À l’orée du bois, les yeux d’or d’une biche où la peur n’est plus aux abois. Elle goûte la douceur de vivre, me fixant de ses yeux fendus où passent des rêves chèvrefeuille.





Ecrit par Grimelle
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