L'écran des rêves

Dans mon château d’heures où songent les tempêtes,
Où viennent flamboyer les cheveux des comètes,
Orphelin des brumes, j’attends dans la pénombre
Le lever du rideau sur mon théâtre d’ombres.

Voici Mélusine descendue d’un tramway
Qui s’enfuit écaillée en criant « Samedi ».
Le pointeur Raymondin en voulant l’arrêter
Culbute sur les rails que tord un colibri.

L’orage se déchaîne en nuit épouvantable
Dans le manoir lugubre où des spectres s’évitent,
Quand la main affreuse d’un squelette effroyable
Etrangle sans pitié la baronne confite.

Mais, c’est lui, Fantômas, l’ange exterminateur !
Qui horrifie la mort et pétrifie la peur,
Sur la tour Eiffel, il force la farandole
Avec l'ami Juve, Fandor et Rocambole.

La lande du Dartmoor sous une lune glauque
Souffle un brouillard vicieux où rôde le démon,
Un hurlement féroce interrompt les vents rauques
Alors que Sherlock Holmes afflige son violon.

Ebenezer Scrooge compte ses pièces d’or
Dans son grenier visqueux gorgé de limaçons,
Il peut se dandiner comme un alligator
Parmi les maquignons harangués par Macron.

A l’auberge rouge, des revenants s’invitent,
C’est le bal démasqué des forbans financiers,
Les voilà dénudés, flageolant de la bitte
Dans leur cage dorée, eux, qui ont trop volé.

Au fond d’un vieux musée, quelques momies usées
Vont battre le carton avec les gardiens gays,
Ils brailleront plus tard dans la fadeur du soir
Des refrains égrillards arrosés de pinard.

Des hublots dessillés contemplent la banquise
Où se sont égarés les princes de Thulé,
Ces esquimaux transis que secouent des hantises
Poursuivent dans le froid leurs ancienne fierté.

Mais dans la roulotte, la Gipsy en rousseur
Brandit un valet noir qui pique fort mon cœur
Et l’aube tressaille dans le soleil levant
Par la haute fenêtre où s’envole le temps.




Ecrit par Banniange
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