Ballade du langage des fleurs

Regardez bien au fond d’une corolle
Les mots curieux saugrenus ou heureux,
Le doux parler plus vrai que la parole,
Ce vrai symbole et ses étranges jeux
Vous annonçant l’orage ou les ciels bleus
Et maintenant leur douce féerie
Vient vous causer sans fausse théorie ;
Profitez bien de ces curieux bonheurs ;
Avec aisance et sans flagornerie,
Écoutez donc le langage des fleurs.

Oyez aussi la tendre barcarolle
De l’être humain dans ce qu’il a de mieux
Quand la beauté tout à coup le console
D’un ton d’espoir brillant au fond des yeux,
Quand maître amour fait d’émouvants aveux.
Le blanc, le rose avec leur coterie
Pourront chanter leur tendre plaidoirie ;
Le ciel d’azur montre bien des douceurs ;
Sur le corps frais d’une plante qui rie,
Écoutez donc le langage des fleurs.

Méfiez-vous de l’étrange symbole
De la pétale aux longs mots sulfureux
Quand l’avenir tout à coup se désole
Et prend les airs de l’orage venteux,
Du ciel tout gris à l’aspect nuageux ;
La couleur sait ce qui nous contrarie,
Les maux tout noirs loin de la rêverie ;
Demain verra les jours calamiteux,
Les sombres mois au temps de l’incurie,
Écoutez donc le langage des fleurs.

Princes brillants, la panse bien nourrie,
Le corps dispos et la tête aguerrie,
Bien à l’abri de la chicanerie,
Goûtez pourtant les étranges humeurs
Des végétaux et de leur confrérie
Qui vous disent avec espièglerie :
Écoutez donc le langage des fleurs.

































BALLADE DU LIERRE



Les racines à l’air tenace
S’accrochent d’un biais anodin,
Serrant les pierres dans leur nasse
Dans un lourd combat clandestin ;
À l’œuvre du soir au matin
Dans quelques sournoises batailles
Où la maison devient festin,
Le lierre court sur les murailles.

La plante grandit et menace
La construction au fin dessin
Comme un vil animal pugnace
Jouant de ses dents de félin ;
Les feuilles à l’air fort mesquin
Préparent quelques funérailles
Tandis que, sous un air malin,
Le lierre court sur les murailles.

La vieille ferme à l’air bonasse
Ressent les coups de l’aigrefin
Mais lui, lentement cadenasse
Le crépi devenu trop fin
Et l’on verra bientôt la fin
De ces malheureuses pierrailles
Tandis que d’un bec sous-marin,
Le lierre court sur les murailles.

Princes, écoutez le tocsin
Pour le logis pris dans ses mailles ;
Avec un courage assassin,
Le lierre court sur les murailles.





BALLADE DU LILAS



Il fleurit comme une chanson,
Répandant de douces lumières
Et dispense son doux frisson
Dans quelques beautés printanières ;
Déjà ses branches régulières
Vont embaumer les pergolas ;
Le printemps chante ses prières,
Lorsque refleurit le lilas.

Son parfum vous rend polisson
Avec ses couleurs jardinières ;
Blancs, violets, bleus à l’unisson
Éclairent villes et chaumières ;
Avril et mai font des manières
Dans de bien tendres pugilats
Comme aux jours des roses trémières,
Lorsque refleurit le lilas.

Avant que vienne la moisson
Avec ses chaleurs coutumières,
Lui, porte tel un écusson,
Ses belles grappes familières
Et de lumineuses rivières
Éclairent jardins et villas,
Célébrant des joies cachottières,
Lorsque refleurit le lilas.

Princes, aux allures si fières,
Vous souvent soldats ou prélats,
Laissez un peu vos moeurs altières,
Lorsque refleurit le lilas.





Ecrit par Lastours
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