Graine de vaurien !

"Graine de vaurien !"
A mugi le père.
"Cossard ! Bon à rien !"
A glapi la mère.

Et l'enfant se tait,
Il baisse la tête
Et vole en secret
Jusqu'à sa cachette.

Au bout du jardin,
Sous les branches basses,
Il suit le chemin
Vers les plaines lasses.

Là, dans la forêt,
Il a sa cabane
Que lui seul connaît,
Où la brise flâne.

Pour entrer il faut
Un morceau d'espace,
La clef de l'écho
Et le mot de passe.

Un vieux banc rugueux
Soutient une table,
Car il manque deux ...
Pieds ... à cette table !

C'est ici que dort,
En son rêve triste,
L'unique trésor
De l'enfant artiste :

Une boîte en fer
En s'ouvrant fredonne
Le printemps, l'hiver,
L'été et l'automne.

Un peu de papier,
Les crayons, la gomme,
Un dessin plié
En forme de pomme ...

Les oiseaux s'en vont
Au pays des brumes,
Ils ont un ballon
Posé sur leurs plumes.

Parmi les zéros
Tombés sur la page
Se ruent les héros :
Tous à l'abordage !

Un poème, aussi,
Vêtu de poussière,
Attend là, écrit
Pour la terre entière :

"Je voudrais vous voir
Vous aimer, sourire ;
Je voudrais pouvoir
Enfin vous le dire ..."

La gifle s'abat
Sur la joue brûlante,
Et siffle déjà
La phrase, cinglante :

"Brigand ! Bon à rien !
Que je t'y reprenne !
Ah, cossard ! Vaurien !
Ah, mauvaise graine !"





Un climat très "années cinquante"
pour effleurer la question de l'enfance maltraitée,
ou du moins éduquée avec dureté.

Et dans nos sociétés vouées à la performance, l'artiste,
du moment qu'il ne cède ni à la mode ni à l'ironie,
n'est-il pas un peu comme cet enfant triste,
ne trouvant de paix que dans un univers secret ?



Ecrit par Ombrefeuille
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