Un étrange poisson

Oh, quel éblouissement que ce nacre en pliure
Sous ce bel incendie qui ravage l’azur !
On se consume enfin, enfants de volupté,
Sur ce sable assassin de ce temps égrené.

Des sirènes ravies enlacent le Grand Bleu,
Un Nérée muscadin force la baracca,
Des tritons dans leur conque appellent de leurs vœux
Ces nymphes affaissées qui câlinent leur chat.

Et des vieux loups de mer à la toison huileuse
Narrent leurs odyssées aux charnues Amphitrite,
Deux crabes rescapés coiffent une aboyeuse
Qui s’était assoupie en digérant des frites.

Quelques scaphandriers vont traquer les murènes,
Les voiliers et valseurs tanguent en cabotage,
Tout s’anime en couleur dans un joyeux tapage,
Quel bonheur d’être ici, affranchi et sans peine.

Mais, soudain, tout se tait, un silence oppressant
Ecrase les badauds dans le sable brûlant,
Ce n’est pas un poisson sur les flots indolents
Ni une installation, c’est le corps d’un migrant.


Le titre fait allusion au Strange Fruit de Billie Holiday, autres temps, autres morts...

Ecrit par Banniange
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