Micron pharaon

Micron pharaon

Micron pharaon, était mignon, déjà petit, il était favori.
Juvénile, autoritaire, lui sont de bons traits de caractères, malheureusement,
de parler, il en commence le matin, jusqu'au coucher sans s'arrêter.
Idée sur idée, il jacasse, il faut patati, patata, donc tralala, tagada, tagada tsoin tsoin. .
De sa maîtresse, de plusieurs printemps sa cadette, il pris pour femme.
Féconde, Brigitte, Institutrice en devint sa tutrice, sa matrice quand il l'agite.
Petit pantin du haut de son empire, il se sent maître du destin, pourtant...

Au pied de la pyramide, Gilles Poussin, balayeur de sable d'or jaune, de père en fils, depuis des dizaines de générations, n'arrive plus à se suffire de son travail, pour régaler sa famille.
Le sable pourtant ne vient pas à manquer, à cette époque, il en est même monnaie d'échange.
Chaque jour ils sont des centaines de milliers de Gilles se relayant, balayant, amassant l'or jaune tombé des hauteurs pour n'en garder que quelques grains en guise de recette.

Ainsi du haut de son empire, l'élu peut se pavoiser à admirer,
sa luxuriante et verdoyante idyllique prairie, parsemée de moutons à l'oeuvre.
Être pharaon n'est pas de tout repos, et l'exigence en fait honneur
Jamais ne trépasse, et cocasse s'en déroute.
Toujours à pied d'oeuvre à remodeler, façonner et agir, pour y laisser sa trace,
Micron Pharaon s'est forgé une carapace à toute revendication,
son ego s'est tellement abreuvé de pouvoir, qu'il ne doute de plus rien, même pas de lui.

Jusqu'à ce matin de toute fraîcheur, où d'une fragile porcelaine de Sèvres,
Micron en fêla sa tasse fétiche, au prix pharaonique.
Bénin direz-vous ! Non pour lui...
Il vécut ce moment comme un échec, et de colère en exigea un assortiment entier,
à en faire pâlir la terre entière.
De cet excès de folie il ressentit, pour la première fois de sa vie, la honte.

Pris de grandes chaleurs, dans un besoin intense de se rafraîchir, il ordonna, montant sur son perchoir de Brégançon, l'état d'urgence et la création d'un grand bassin,
afin d'y tremper ses jambes gonfles.
Lesquelles s'étaient, le malheureux, propagé à sa tête, qu'il ne voyait pas grossissante.


Tandis que les Gilles s'affairaient à leur besogne quotidienne, le sable vint soudainement
à se raréfier laissant place, à une mélasse jaune or ocre, beaucoup plus difficile à récolter,
les grains collés! Impossible de se payer! Invendable!
Le tout se conditionnait en coulée inondant doucement la belle prairie.

Du haut de la pyramide, rarement le pharaon n'en regardait sa base,
il préférait s'inspirer de l'horizon et vaquer à ses préoccupations.
Augmentation de l'indice tralala, tarification du tchou tchou bidou,
Baisse du truc bidule, hausse du blabla, répartition du truc nuche.



À son inverse, notre Gilles ne devait son destin qu'à sa force et son courage,
touché d'empathie dés sa misérable naissance, il est celui sur qui, on peut faire confiance.
Sensible au sort, qu'il lui est alloué, il se surprend quelques fois à rêver d'un futur plus doux,
ou tout serait unité, tous égaux face à la vie, partageant richesse, droit,
Protégeant nature et descendance.

Or ce jour là, il ne sait pourquoi, certainement sous l'emprise de son inconscient,
excédé d'être prisonnier d'un sort qui ne lui appartient pas,
sous un soleil de midi illuminant de pleine puissance son visage et ses mains usées,
il se confia et conta ses rêves les plus fous, comme une histoire à des enfants.
Tel un messie, ces mots étaient breuvage magique, heureux de voir naître l'espoir.
Un rêve fou naissait, de nouvelles idées humanisaient, la quête de son message.
De son existence, jamais évidence ne fut aussi claire.
Et dés le lendemain, l'aube venue sans un mot, il partit en croisade.
Avec mots pour armes, l'avenir dans son cœur, et pour seul espoir, rencontrer le maître.

L'ascension est vertigineuse.
La pyramide est impraticable, lisse, glissante, vieillissante.
Peu ose s'aventurer à gravir les échelons et changer de classe sociale,
la chute y est souvent fatale.
Mais depuis que la boue avait transformé le décor en marécage,
Tout était devenu malléable.

Ce qui était auparavant impossible, est devenu d'une facilité déconcertante.
En quelques heures, déjà il a taillé un chemin, à se perdre dans les hauteurs.
Quel ne fut pas la surprise, ce matin là, aux hasardeux, qui levèrent la tête.
Précurseur, prescripteur d'une marche, ameutant de sa voix déchaînée,
l'existence d'une voie.

D'une rare effervescence l'écho fit résonance et d'une incivile curiosité,
tous s'agglutinèrent et commencèrent à gravir les strates.
Très vite, Gilles en pleine action, est rejoint par plusieurs jeunes, plus rapides
Ses yeux se remplissent de joie, son cœur vibre, sa respiration syncope.
D'un effet pandémique, tous s'agitent à l'oeuvre, chacun s'affaire, se presse,
la voie s'élève sur des confessions de mal-être.
Dans la conquête du futur, du présent, le repos s'annonce par l'arrivée de la nuit.


Mais ce n'était sans connaître l'insoumission maintenant acquise de ces travailleurs de l'ombre,
bravant la soirée à dévorer, marche après marche, leur chemin dans la peine.
Ce n'est qu'au matin venu, que le travail dévoila ses formes.
L'accès avait été ainsi façonné jusqu'au dernier rempart, protégeant le siège royal.
Leurs auteurs étaient reconnaissables, méconnaissables,
entièrement recouverts d'un jaune sableux, fruit de leur labeur nocturne.
On ne savait reconnaître leur différence. Tous égaux,
l'unité avait fonctionné, ils ne formaient plus qu'un.
Gilles, comme envouté, était plongé dans la réalité de ses songes.


Devenu coqueluche de ce mouvement avant-gardiste,
il en appelle la garde.
Laquelle surprise, se trouva fortement dépourvu, car à ses portes,
elle ne pût donner clôture.
Le sable friable s'était dérobé, un passage en invité.
L'alerte est lancée, une armada de guerriers sur-entraînée
étoffe soudainement les accès.
La sirène retentit, Gilles n'en attendait pas mieux.

En effet pharaon réveillé en sursaut, n'est pas de toute humeur.
À son chevet son fidèle disciple Ben est là, toujours là, plus là, il est où, il est là.
Où qu'il est ? ... Ah il est là !
Agent aux secrets pharaoniques, il est le fou, le cheval, la tour,
le pion d'un jeu qui se veut, sans échec.
Seul Maître Micron comme effigie, l'âme d'un corps dévouée.
Il se donne en sacrifice à traiter pire besogne.

"Belle et bonne journée à vous, mon Maître"
Dit-il dans un style hésitant de courbettes bien à lui.
Il est où?... Il est là!... Où? Ben est là! Ah!
"Veuillez excuser ma présence aurorale, mon joli petit pharaon mais.."
D'un chuchotement, s'esquissait la montée en puissance, la tête à Micron déjà disproportionnée, devint écarlate.
De la fumée se diffusa, et d'une agitation incontrôlée, il jaillit de son lit pour se jeter à l'eau.
Décidément ce n'était pas son jour, en plein envol...

Point d'eau !
Atterrissage lourdement fumant dans une flaque disloquée par l'impact.
Dans un au-revoir, les dernières gouttes s'effacent,
mélange de stupeur et d'inefficacité, le voilà hors de lui.
Sa nature reprenant le dessus, il hurle en sanglot, excédé : "Brigitte!"
Mais c'est qui qu'est là, béé c'est ben qu'est là, mais il est où? Béé, Ben est là. Ah !
En effet, après un double salto arrière, vrillé, croisé, le malheureux pensait pouvoir être là, et là, ou là et là et esquiver au dernier moment le manque d'eau, manque de peau.
Il finit en tapis, dévoilant fissures de l'édifice bâclé.

Lorsque enfin Brigitte daigna s'éveiller, Doudou avait découché,
Alertée de cris, de fumée, la voilà elle-même fumée.
Les deux compères enchevêtrés offraient couinement anthropophage de A.
Choquée, elle en tourna le regard et tombant nez à nez avec Gillou.

Sableux de l'orteil au bout du nez, plein d'orgueil.
Gilles demanda simplement un peu plus de dignité,
Épargnant, face à un tel retournement
Mais trop tard....

-Craquement-

La structure tremble...
Le grondement est terrible, sous forme d'acte théâtral.
La mollesse est pyramidale, fatale.

Micron Pharaon, de souche Franc-macron, se voit soudainement
réaliser qu'il est seul responsable de cette inconfortable situation.
Lui expert de la rigueur avait bafoué tous ses codes.
L'eau gaspillée à outrance était outrage.
De son habitude il aurait murmuré Ben.
Il est où?... Ah il est là!... Mais non, là Ben est plus là.
Confus, désinvolte, il s'écria
" je suis seul responsable, je suis pharaon, qu'on vienne me chercher,
Je suis le pharaon et seul responsable de cette situation
Qu'on vienne me chercher."

Au fond du trou, sous le regard hésitant d'un Gilles, gêné.
La réconciliation semblait s'amorcer, Gilles aida comme un proche, son pharaon disloqué.
Lui porta bande de momie, pour s'en restructurer.
Mais le temps est compté, parodie, conte, l'histoire touche à sa fin, souvent tragiquement.
Dans un fracas, alors que l'investiture d'une nouvelle histoire s'amorçait...
La bâtisse s'enfonça, s'étala, comme si la prophétie de Gilles était exaucée.
Les strates s'égalisèrent, tous dans la même gadoue,
tous jaunes de la tête au pied.

Moralité

La fuite de l'idée universelle, respecter la nature,
vivre ensemble, bannir les vengeances.
Tendre la main, regarder avec son cœur.
Montrer l'exemple, peuvent souvent créer un style de référence.
Croire en ses rêves, récoltera toujours des bien-faits.

D.CHANUT




Ecrit par Chanut
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