A travers les nuées

Abrité sous un arbre, le vieux banc
Avait une seule histoire à conter.
Bien sûr il savait sur le rameau blanc
La douce chanson de l’oiseau perché,

Son nid frétillant quand vient le printemps,
Les flammes des fleurs et leurs parfums doux,
Les jeux vivants dans l’allée des enfants
Au soleil, cherchant l’or dans les cailloux.

Il savait surtout au petit royaume
De ce jardin où il venait s’asseoir,
Celle fidèle du petit vieil homme
Qui chaque matin passait l’émouvoir.

Il tirait d’un mouchoir les quelques miettes
Qui lui restaient de sommaires repas,
Les pigeons savaient qu’il y avait fête
Dès que s’ouvraient les carreaux de madras.

Ils restaient là dans l’attente des mies,
Chantant et tournant en rond à ses pieds,
Un seul osant, carrément plus hardi,
Près de son ami, venir se poser.

Il lui racontait sa maison bonheur,
Les enfants qu’ils y avaient élevés
Avec celle qui parlait à son cœur
Depuis là-haut, à travers les nuées.

Dans l’enchantement des instants passés
Ainsi nourrissait-il les volatiles
Autant que sa solitude forcée
Quand il rejoignait son toit immobile.

Pourtant une année, le printemps revint
Avec de naissants bourgeons pleins ses manches,
Les flammes des fleurs dans le beau jardin
Et des nids d’oiseaux au creux de ses branches.

Mais point de pigeons au pied du vieux banc
Sauf celui, sur les traverses de bois,
Qui allait et venait, en roucoulant,
Ne comprenant pas, en plein désarroi

Que son bon ami s’en était allé,
Ailleurs, déshabillé de sa vieillesse :
Depuis là-haut, à travers les nuées,
Deux regards l’effleuraient d’une caresse.




Ecrit par Fregat
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