Les bottes de nul lieu

- Tu dois, pour aller loin, dès aujourd'hui, apprendre
A marcher avec, à ton pied, une chaussure
Qui sera bien taillée à ta juste mesure ;
Il n'est, pour commencer, jamais d'âge assez tendre.

Il te faut pour grandir accepter de souffrir,
Il n'est pas de mérite à vivre sans douleur ;
Chaque pas est épreuve, à franchir sans nul pleur,
Dont tu seras vainqueur en gardant le sourire.

Ton sourire figé, à tous, donne la preuve
Que tu sais marcher droit bien qu'ayant mal aux pieds.
Tu aurais préféré, tel que cela te sied,
Que tes jeunes petons, sans entraves, se meuvent...

Mais tu devras marcher à un pas cadencé
Sur un chemin tracé, oublieux de danser.
Aux voyous laisseras les chemins de broussailles
Et tu suivras tes pieds, et non ton bon plaisir ;

Dans tes bottes bien droit, n'auras d'autre loisir
D'obéir comme un chef que le devoir tenaille !
Avec grande fierté, à côté de tes pompes,
Iras toute ta vie, en souffrant ce cilice

Qui belle allure donne, à qui boit ce calice ;
Le vrai, c'est de rester en lieu où l'on se trompe.

- Suis-je né pour cela ? J'ai été façonné
Afin de satisfaire au besoin de mon rang.

Mais qui suis-je vraiment ? Qu'y a t'il dans mon sang
Qui me distinguerait, m'aurait été donné ?
Que tout cela soit fausseté, qui ne l'ignore ?
Mais c'est une quincaille et qu'on lustre et qu'on dore !


©Persona

Ecrit par Jim
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