Adieu

Glose d’après la première strophe du poème de Sully-Prudhomme «Le pardon»


Adieu

L’heure est venue pour moi, las, de vous dire adieu.
Mon séjour près de vous fut baigné d’allégresse.
Je ne redoute point le départ douloureux
Pour peu que votre image en mon âme renaisse.

Merci cher Amour pour la vie enchanteresse
Qui fut votre cadeau, tardif mais généreux !
Mes amants de jadis manquaient tous de finesse,
Je sens bien que c'est vous que j'aime encor le mieux.

L’automne de mes jours fut un temps merveilleux.
Je n’ai qu’un seul regret, m’Ami, je le confesse :
Mon printemps sans vous fut monotone et pluvieux,
Vous avez désolé l'aube de ma jeunesse.

Voici que vient l’hiver et son lot de détresse.
Pour m’épargner la vue de votre air malheureux
Vous détournez votre regard plein de tristesse,
Je veux pourtant mourir sans oublier vos yeux…




L'original :

Le pardon

Pour peu que votre image en mon âme renaisse,
Je sens bien que c'est vous que j'aime encor le mieux.
Vous avez désolé l'aube de ma jeunesse,
Je veux pourtant mourir sans oublier vos yeux,

Ni votre voix surtout, sonore et caressante,
Qui pénétrait mon cœur entre toutes les voix,
Et longtemps ma poitrine en restait frémissante
Comme un luth solitaire encore ému des doigts.

Ah ! j'en connais beaucoup dont les lèvres sont belles,
Dont le front est parfait, dont le langage est doux.
Mes amis vous diront que j'ai chanté pour elles,
Ma mère vous dira que j'ai pleuré pour vous.

J'ai pleuré, mais déjà mes larmes sont plus rares ;
Je sanglotais alors, je soupire aujourd'hui ;
Puis bientôt viendra l'âge où les yeux sont avares,
Et ma tristesse un jour ne sera plus qu'ennui.

Oui, pour avoir brisé la fleur de ma jeunesse,
J'ai peur de vous haïr quand je deviendrai vieux.
Que toujours votre image en mon âme renaisse !
Que je pardonne à l'âme au souvenir des yeux !

René-Francois SULLY PRUDHOMME
Recueil : Epaves






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