L'oubliée

Tête froide ne sut comme Jason garder ;
Il n'avait pas de cœur, elle en avait pour deux ;
Sa puissante raison s'enflamma sans tarder,
Son regard décidé eut fait trembler un dieu.

La nuit brûlante attend le cœur glacé du jour.
Le drame de Médée fut de soumettre Amour
A sa pensée puissante, énorme, irrésistible,
Et celle-ci aux intérêts d'un prince prévisible

Que le premier venu, en sa direction,
Pouvait lancer, sans qu'aucune solution
En l'esprit de Jason ne germa, ni fleurit.

Il avait de courage autant qu'un âne d'âme ;
D'un tel athlète démuni Médée s'éprit,
Médée brûla sous, de la passion, la flamme !

Le chemin qui mena le héros à la gloire,
Ce fut elle qui le traça, le dégagea,
Ce fut Jason qui le suivit, cueillant l'histoire
Au chêne où la Toison la légende forgea.

Il est celui qui, sans savoir, de tout abuse.
Jamais Jason n'aima Médée, et quand Créuse
Avança sa jeunesse, elle comprit enfin
Qu'il ne suffit d'avoir entre tous l'esprit fin,

Que sa fièvre battait au rythme d'un antan,
Qu'il n'est pas de pouvoir qui renverse le temps,
Qui dans les veines change en feu cette eau qui coule.

Que ce soit médecine ou conquise Toison,
S'opposer à son cours est l'ultime poison
Qui ramène chacun dans le sens de la foule.

Autant chef au combat que son premier soldat,
De refermer toutes les portes qu'elle avait
Ouvertes pour cet homme, elle se décida.
Médée ne songea pas des crimes se laver.

Un seul s'absente t'il fait que l'autre s'égare ;
Pour quoi continuer le chemin qui sépare,
L'unité en laquelle elle avait espéré,
Ce nœud qu'elle croyait ne pas voir desserrer,

Ce cœur dont la moitié la plus dure était tendre
D'autant qu'autre moitié brillait par sa vacance ?
Toujours à décider, Médée ne fit qu'attendre
Cet homme, en son diamant, lequel fut sa carence.

D'humain à sa hauteur, Vulcain n'en fit aucun.
Elle avait tous les dons, il n'en possédait qu'un,
Celui du dépourvu qui vole à l'étalage,
Qui de sa ruse fier, se pense vivre en sage.

Elle rêva beaucoup, d'une cité peuplée
Par ses enfants jouant dans un jardin joyeux,
Lesquels auraient été caresses pour ses yeux,
De leurs rires le timbre le plus doux des lais.

Elle rêva... Puis seule en son rêve se vit.
En toute symphonie, malenote sévit.
Elle trancha les liens, elle ferma les portes,

Elle jeta les clefs... Ô ! que le vent emporte
Tous ces rêves auxquels un temps croient les humains !
Elle partit vers un pays sans lendemains.




Ecrit par Jim
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