La guerre de 14-18

A peine arrivés sur le front
Qu'ils ont de suite déguerpis
Devant ces diables de teutons
Aux stratégies bien établies.
C'est presqu'aux portes de Paris
Que brusquement, ils s'arrêtèrent
Pour enfin repousser l'enn'mi
Jusqu'à Verdun et son enfer.
Comme à la chass', fleur au fusil,
Insouciants, ils étaient partis
Faire les zouaves avec les 'Fritz',
Venger l'affront d' soixante dix.

Dès lors chacun s'est retranché
Pour une guerre de position
Qui dura plus de deux années
Avec la mort pour compagnon.
Avec la peur, les rats, les poux.
Ils ont vécu comme des bêtes
Dans les excréments, dans la boue,
Les cadavres et les tempêtes.
Comme à la chass', fleur au fusil,
Insouciants, ils étaient partis
Bouffer du boche et du teuton (1)
Pour des min's de fer, de charbon. (2)

Dans le tonnerre des canonnades
L'obus pleuvait et la grenade
Et les mitrailleus's de concert
Crépitaient leur hymne de guerre.
Dans ce décor d'apocalypse
Les explosions, les lance-flammes
Jetaient leurs lueurs destructrices
Pour se graver au fond des âmes.
Comme à la chass', fleur au fusil,
Insouciants, ils étaient partis
En bons poilus pour se poiler
Mais bien vite, ils ont déchanté.

Dans la Somm', comme en Picardie
Les homm's ne sont pas mieux lotis
Pas de rencard au ch'min des dames
Avec Mad'lon ou d'autres femmes:
C'est la Grande Faucheuse encore
Qui les cherchait dans l' corps à corps:
Faut dir' qu'yavait pas plus canon
Que la Gross' Bertha des teutons.
Comme à la chass', fleur au fusil,
Insouciants, ils étaient partis,
Mais avec les gaz, l'ypérite
La fête a tourné court bien vite.

Gueules cassées, pleins de balafres,
Malgré l'armistice signé
Bien peu ont surmonté ces affres
Pour pouvoir se réadapter.
Chanceux sont tous ceux dont la femme
A su leur garder de l'amour
Et partage sans un seul blâme
Leur traumatisme avec bravoure.
Comme à la chass', fleur au fusil,
Insouciants, ils étaient partis,
Et s'en reviennent tous aigris
Que la guerre ait gâché leur vie.




Ecrit par Louis Vibauver
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