Morituri

Chère Sura,

Puis-je encore rêver quand s'en vient la douleur?
Tes cheveux ondoyants d’où jaillissait l’aurore,
Tes paupières de feu défiant l’astre d’or,
Tes mains de colombe qui retenaient les heures,

Te souviens-tu jadis sur nos chevaux fougueux,
La vallée des roses au bord du fleuve bleu
Où scintillaient les fleurs comme des champs d’étoiles
Dans l’ivresse des nuits où dansaient les vestales?

L’alchimie de nos coeurs dans le creuset bouillant
Des forges de l’amour, notre anneau ciselé
Qui, à jamais noué à nos doigts frémissants,
Evoquerait ce jour de toute éternité,

Mais ce temps est bien loin et la Thrace, brumeuse,
Ma mémoire exilée au fond d’un souterrain
Redoute un lendemain dans l’arène furieuse
Où je mourrai sans doute une dague à la main,

Comme un Dieu adulé par une foule avide
Qui bientôt sacrifié guérira leur folie…
Si je suis épargné, ce second jour des ides,
En mon nom Spartacus, soufflera l’incendie!

Puisse cette missive arpenter les années
Et témoigner ainsi d’un amour infaillible
En ces temps barbares où la mort affamée
Se repaît des martyrs de la Rome inflexible.




Ecrit par Banniange
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