Le Spectre de la Rose

Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal!
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas, tu me promenas tout le soir.
O toi qui de ma mort fut cause,
Sans que tu puisses le chasser,
Toutes les nuits mon spectre rose
A ton chevet viendra danser;
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe ni De Profundis.
Ce léger parfum est mon âme,
Ce léger parfum est mon âme,
Et j’arrive du paradis,
J’arrive du paradis.
Mon destin fut digne d’envie,
Et pour avoir un sort si beau,
Plus d’un aurait donné sa vie;
Car sur ton sein j’ai mon tombeau,
Et sur l’albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Écrivit: “Ci git une rose,
Que tous les rois vont jalouser.”




Ecrit par Théophile GAUTIER
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