Hallucinogène

En des fumées d'un vert aussi noir que l'azur
Où se serait pendu le tréfonds d'un orage,
Le rouge d'un brandon, comme un grand fauve en cage,
Feule dans son abri du marbre le plus dur.

Les chandeliers d'argent sont des poulpes gluants
Dont la flamme s'étire en mille tentacules
Qui capturent le temps caché dans les pendules
Pour le jeter, vaincu, en des gouffres puants.

"Rien n'est pur en ce monde, et rien n'est jamais beau !"
Se lamente un navire à la coque éventrée
Qui, voiles déchirées, fait ici son entrée
Et prononce un discours d'une voix de tombeau.

D'un tableau familier si souvent contemplé
Sort une femme nue, la taille ronde et fine,
Qui s'enroule aux rideaux, lascive et serpentine,
Et prétend dévorer le silence assemblé.

L'enfer est tout entier assis dans un fauteuil
Sur le dossier duquel s'évente une gorgone
Dont le pouls maléfique est un pas qui résonne
Dans le tourbillon creux où s'est figé son œil.

Las ! La brume est de sang … Nul moyen d'éviter
La chute mélangeant la glace et la brûlure,
Quand, secourable et doux, le vieux tapis murmure :
"Encore un peu de chanvre à l'heure du dîner ?"







Un poème inspiré par :
- le livre de Jean Teulé "Crénom, Baudelaire !"
paru en 2020 aux Editions Mialet-Barrault
- l'émission de télévision "Le Doc Stupéfiant :
Baudelaire, moderne et antimoderne"
diffusée sur France5 le vendredi 25 juin 2021



Ecrit par Ombrefeuille
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