Déclaration d'amour à la lecture

J’ai commencé à lire comme la majorité des gens –je suppose- à l’école, en primaire, vers six ans. Je n’étais pas précoce, pas surdouée ni débile ou retardée mais normale, monstrueusement normale.
Par contre, j’étais anormalement timide et « les autres »m’effrayaient. Alors, j’étais souvent seule par goût peut-être mais surtout (peut-être) par peur.
Les seuls « autres » qui me plaisaient, c’étaient les héros des contes que ma mère me lisait puis ceux des petits romans quand je fus capable de lire seuls. C’étaient OUI-OUI ou Jojo le lapin dans la bibliothèque rose.
Puis ce furent Alice, la détective avec ses longs cheveux blonds (qui me faisaient rêver) dans la bibliothèque verte ou les sœurs Parker, détectives elles-aussi mais brunes aux cheveux courts.
C’étaient des amis, mes seuls vrais amis. Je n’aimais rien tant que rester dans ma chambre bien au chaud sous les couvertures pour savoir avant le dîner qui avait volé le chandelier et comment la blonde Alice et ses amis allaient le démasquer. Pour moi, ces histoires et ces univers étaient bien plus réels que le monde extérieur.
A la campagne, je ne regardais pas la nature (ou si peu) mais je m’asseyais à l’écart de ma famille et reprenais le fil de l’histoire que rompait l’appel : « On rentre à la maison. » Je n’avais qu’une seule hâte : retrouver ma maison et mon livre (lire en voiture me donnait mal au cœur).
A l’adolescence, outre les lectures scolaires, j’aimais les romans d’amour style Harlequin que je partageais avec ma mère et ma grand-mère maternelle. Je rêvais d’un beau blond ou d’un brun ténébreux qui m’emmènerait comme l’héroïne en voyage au bout du monde. Je rêvais à beaucoup de choses mais j’aimais plus que tout lire dans ma (toute) petite chambre.
Je rêvais de devenir paléontologue en lisant des livres sur les dinosaures, archéologue avec des documentaires sur les mayas … Je ne suis devenu rien de tout ça mais je lis toujours … en rêvant un peu moins.
Au moment du bac français, j’ai découvert les Romantiques (avec un grand R) qui m’ont inspiré des amours impossibles et des poèmes … romantiques (avec un petit « r »).
J’ai appris par cœur des poèmes de Lamartine, Hugo ou Nerval.
Il y eut aussi des lectures érotiques que l’ont fait d’une seule main. C’était aussi des lectures révolte face à une famille bien-pensante.
Par contre, je suis passée complètement à côté de la philosophie en terminale (et au bac d’ailleurs) que je trouvais ennuyeuse.
Je ne l’apprécierais que plus tard, plus mûre peut-être, plus sociologique aussi avec la littérature aussi du vingtième siècle que je découvrais dans ma petite chambre de bonne parisienne. Là, je me retrouvais seule, sans ma famille mais aussi sans mon univers quotidien, la télévision qui concurrençait la lecture. La lecture m’a tenu compagnie et je pense que je n’ai jamais autant lu qu’à cette période. J’accostai au rivage des Syrtes de Gracq, m’informais de la marche du Monde, des indices des bourses mondiales dans Figaro, des films que je ne verrais pas dans Télérama. Je trouvais plus de plaisir là qu’à mes cours de mathématique ou d’économie.
Je pourrais aussi parler des lectures érotiques à quatre mains, de la lecture de romans pendant les cours de droit, de la redécouverte de Molière avec la reprise des études de lettres, des romans policiers qui sont le prolongement de mon « Alice détective » de la bibliothèque verte.
Je pourrais citer des noms, des titres mais le plus important est que la lecture était là à chaque instant de ma vie comme l’ami fidèle (que je n’ai jamais eu), est toujours là et ne risque pas de me quitter avant que moi-même soit dans l’incapacité de la pratiquer. Je ne me souviens pas d’un jour ou d’une nuit sans elle. Elle me réveille ou m’endort, m’excite ou me calme, me sauve ou me perd, me tient compagnie ou m’isole. Elle me constitue profondément après mes gènes peut-être mais avant mes amitiés ou mes amours.


Jules Renard : « Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux. »




Ecrit par Lauravanelcoytte
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