L'histrion

Je suis un petit homme avec de grands moyens
Et si je comprends peu, par contre j'apprends bien ;
J'étais, petit déjà, un bon duplicateur,
Et je parlais de tout comme un bon orateur.

Docile, obéissant, je ne sortais du rang
Et dans les tragédies, je répandais mon sang,
Agitant cette épée factice du langage,
Sans songer qu'il y eût des hommes de courage.

On m'apprit à sembler, jouer la comédie,
Afin que les naïfs m'accordent leur crédit,
A paraître cela que jamais ne serai ;
L'artifice est la foi que je professerai :

Trompe l’œil, outre vide, enflure et pensée creuse,
Savoir donner le change à ceux que je séduis.
La langue du serpent est bien moins venimeuse
Que l'enchanteresse offre en mon charmant déduit.

N'ayant ni souffle ni puissance, je m'essouffle
Quand je tiens un micro, devant une assistance
De jeunes abrutis que je tiens à distance,
Car n'avons pataugé en la même pantoufle !

N'étant pas Alagna, me croyant Cicéron,
Pour convaincre les fans, et je crache et je braille !
Je joue les inspirés, comptant mouche au plafond,
Laissant dire à certains que mon cerveau déraille.

Mon père m'a-t-il dit que, tant que je courrais
Après lui, il sera devant moi ? Est-ce sûr ?
A l'en croire, j'étais promis à labourer
Ce même champ que lui, dit d'humaine blessure...

Je me suis élevé au-dessus du commun,
Ne suis plus ce bourgeois tout petit de province !
Je règne sur la ville et des rois et des princes
Depuis que j'ai quitté la bourgade de Meung.

Un intello, un vrai, que j'avais dans l'équipe,
Décida un beau jour de me quitter. J'ai su
Qu'il ne supportait pas, par un manque de tripes,
L'ombre de mon génie, et cela le déçut.

Miroir, mon beau miroir, suis-je encor la plus belle ?
Je t'aime, ma maman, jamais ne grandirai ;
Ô magicienne dont le charme m'ensorcelle !
Et tu verras, bientôt, qu'où tu iras, j'irai.


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Ecrit par Jim
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