Les cadeaux et l'amour

Le père de Cannelle faisait sans cesse des cadeaux, à sa femme, à sa mère, à sa belle-mère(qu’il ne pouvait pas sentir), à ses enfants et parmi eux à Cannelle, sa fille aînée.
Pour son travail, il était sans cesse sur les routes et était absent de la maison du lundi au samedi. Et il revenait les bras chargés de cadeaux. Il y avait des vêtements pour sa femme qui en avaient plein ses armoires bien plus qu’elle n’ en avait besoin pour le peu qu’elle sortait de chez elle. Il y avait surtout des livres pour tout le monde. Des livres bien choisis mais en telle quantité qu’on n’avait pas le temps de les lire avant la prochaine « fournée. » Cannelle connaissait l’histoire de son père et savait qu’il avait été conçu pour remplacer un précédent enfant mort dans des circonstances mystérieuses après avoir mené une existence aventureuse. De plus, sa mère avait failli mourir en lui donnant naissance. La pression était très forte sur les épaules du cadet. Alors il lui fallait toujours prouver qu’il était mieux que « l’autre » par des cadeaux plus que par de vraies attentions, des moments agréables partagés, des paroles d’encouragement. Lui-même ne s’était pas senti aimé pour lui-même alors il pensait que les cadeaux le feraient aimer notamment de ses enfants. En fait ces derniers attendaient chaque fin de semaine un père Noël plus qu’un père qui aurait passé du temps et fait des choses avec eux. En achetant des cadeaux pour lui-même, il s’achetait aussi beaucoup de choses assez chères ; il gagnait assez bien sa vie. Il était donc très difficile de lui faire des cadeaux car tout ce dont il avait envie, il se l’achetait. Des achats compulsifs qui ne le rendaient pas heureux. Il jetait ses cadeaux plus qu’il ne les tendait et enfermait ses achats dans des cartons et des sacs qu’il empilait. A chaque occasion de cadeau, c’était un casse-tête pour sa famille. Et quand on lui donnait son présent, il disait vite merci et l’enfouissait dans ses cartons ou sacs. Un jour, cependant, il eut avec Cannelle, une réaction qui la rendit encore plus réticente à lui faire un cadeau de quelque importance. Elle était adolescente et n’avait d’argent que celui qu’on lui donnait pour son anniversaire, Noël, étrennes et Pâques. Elle avait économisé pour offrir à son père son eau de toilette (de marque) favorite, étant sûr que s’il ne lui faisait pas plaisir, il lui serait au moins utile. Quand elle lui tendit avec tout l’amour admiratif qu’elle avait pour lui, il lui cracha : « Toujours la même chose, vous m’offrez toujours la même chose ! … » Et il jeta le flacon contre le mur, le brisant en mille morceaux.




Ecrit par Lauravanelcoytte
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