Videor ergo sum

J'ai bien assez pour vivre et couvrir mes besoins.
Dans ce monde de porcs, nul besoin de mon groin !

Quel est donc cet exploit, cette brave attitude ?
Elle est, tout simplement, ce qu'on nomme bravoure.
La précaution est mère autant de platitude
Que de vos beaux étonnements que je savoure...

Vous rêvez de conquête en l'espace infini,
D'un vaisseau Enterprise, et vous tremblez d'un rhume,
Ce Colomb conquérant qui fuit catimini,
Qui se rêve soleil, bien planqué dans la brume.
Qui donc financerait le chercheur de trésors,
Celui qui vous ramène, insoucieux de son sort,
Les bijoux et les ors qui font votre fortune ?
Nul porteur de gravats votre espoir n'importune!
Où sont les Cook, les Vespucci, et les Cartier ?
Où sont les éclaireurs, les grands aventuriers ?
Vous êtes courageux, tremblants comme une feuille
De ce papier léger, de ce billet de banque,
Dont avez tapissé les murs de votre planque.
Il n'est saison qui de vous voir ne porte deuil.
Est-il assez profond, ce trou que vous creusez,
Afin de bien survivre à ce que détruisez ?

Devenir le captif des flashs et des flonflons.
Mais déjà en ma cervelle ai-je assez de plomb !

Je souhaite seulement être quelquefois lu
Et que, les gens sérieux, me croient hurluberlu.
Ne cherche aucunement la gloire, la vitrine,
Ne trouvant mon plaisir qu'en la dive cyprine,
Et encore bien moins de flatter la fortune
Afin qu'un aigrefin me file de la thune.
On aime que ça jette, on aime que ça claque !
Mais je n'ai aucun goût pour l'effet de la plaque.

Si vous aimez, lisez, tant mieux, sinon, tant pis.
La vache qui m'allaite a bien les plus beaux pis !

Je n'ai besoin de personne
Sur mon tapis persan !
Mais j'aime bien que ça sonne
En vos tympans perçant !

Je n'écris dans le but de gagner de l'argent,
Car je n'ai nul besoin d'acheter quelques gens.
J'écris tout simplement dans celui d'être lu,
Par peut-être un lecteur vivant d'Honolulu...
Par le rire amuser, le grotesque gronder,
Être ce dernier prince qui aime fronder !
Et de dire combien je trouve l'homme bête,
D'avoir autant d'esprit que trait d'une arbalète !
Qu'importerait qu'il soit simplement prétentieux
S'il n'était, vaniteux, moins sot que dangereux.

Je suis vu donc je suis, son nouveau cogito,
Car on a tous en soi la faille du mytho.
Pour qu'il reste attaché à la grande famille,
Qu'aux yeux de tous, il soit cet héritier qui brille,
Non point par le génie, mais par la fatuité,
Par le sens du devoir, laborieuse nuitée,
Qui vît le champ de l'avenir dans tous les sens,
Bien qu'il soit menacé par la panne d'essence,
Âprement travaillé, lourdement fouaillé !
Enfin, le petit vint, le gringalet futé,
Gravillon sur lequel maintenir la maison
Dont les palabres désormais seront raison.
Tu es né graviller, et sur ce graviller
Fleurira le magique papier !
Moi, j'apprends, à faire le poirier...
Pour le cyprès, il faudra me prier !
Il est né le divin bébé,
Planquez vos doigts et donnez sucettes !
Il est né le charmant couillon,
Gardons-nous des emmerdements !

Tout cela n'était-il pas au commencement,
Quand l'on croyait garder tout son entendement ?
N'aurions-nous pas perdu tout notre fondement ?

Quand lui-même, César, se fiait au hasard,
Joueur de dés, lançant sa parole à vau l'eau.
Faut-il en être un grand, immense et magnifique,
Pour luire tout autant que brille le rubis ?

Dans son délire de victoire où la vieillesse
N'est plus cet avenir qu'en dépotoir on laisse,
Que l'on sait maintenant, par la congélation,
- Soit l'exact opposé de vive fellation ! -
Figer dans un miroir la face d'un jeunot,
D'un grandet qui demeure en sa tête un minot
Universel, de cet utile idiot qui croit
- même qu'il en fut un que nous mîmes en croix -
En la trituration de futiles allèles,
Oh ! N'apparaît-il pas combien la vie est belle ?
Ô plus belle la vie ! En poubelle survie !
L'escholier appliqué du chemin ne dévie.

Qu'enfin le règne soit du génome quantique
Exploit primé par un Nobel d'ingénétique
Œuvre d'un serf décérébré, expert ludique,
D'un cynique savant sans nul esprit caustique.

Si José Maria chanta le grand Condor,
Sans que nul ne songeât lui dresser un pont d'or!
Souffrez qu'à ma façon, le grand Condé chantonne,
Accompagné de violons non monotones.


© Persona

Ecrit par Jim
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