Les «dé» sont jetés !

LES «DÉ» SONT JETÉS !

Ainsi…
Combien il était pour moi de tenir le dé,
Je vous le dis déjà, peut-être allez-vous rire ?…
Mais je m’étais juré de ne quitter le dé
Qu’après avoir écrit ce cycle de délire !

Voici…
A vous qui chérissez notre langue française,
Surveillez le contraire, autant l’opposition :
Pour parfaire vos dits, qu’ils vous mettent à l’aise,
Méfiez-vous du sens de la préposition !

Aussi…

Les «dé» sont jetés !

Dites Faire l’amour, ne dites pas Défaire !
Et Manger à l’envers n’a rien de Démanger.
Quand parfois tout va mal dans votre intime sphère,
Gueuler peut soulager sans jamais Dégueuler.

En s’enfermant au soir par la confiante Bâcle,
Et retenant la Bile qu’un foie peut supporter,
Vous n’êtes pas Débile auprès d’une Débâcle,
A moins que le contraire ose un jour l’avorter !

Et Biner son jardin comme il vous plait encor,
N’a rien de Débiner les mondes en progrès :
D’autres vivront toujours, sans trompette ni Cor
En niant le Décor de votre assiette en grès !

Quand bien Border son lit comme éduquent les mères,
Ne vous fera jamais Déborder de gaîté !
Et si plus tard Boucher, servant mille commères,
Ne serez Déboucher une fois retraité !

Si vous deviez tomber dans une Décadence,
Vous ne chanterez pas sa Cadence un instant
Quand bien même la peur Cède par imprudence,
Jamais le cœur Décède, et ça, cet épatant !

Alors, si par Cent fois vous rêvez d’une muse,
Ne vous souciez point de ce qui est Décent !
A la Cime grimpez là où l’âme s’amuse :
Au loin d’une Décime, aucun roi n’a d’accent !

Quand habillé de Cape ou d’épée, de cigares
Roulés au coin d’un bar, vous n’aurez nulle envie
D’un produit qui Décape et qu’on vend dans les gares,
Déroulant des bienfaits dont se moque la vie !

Tant vouloir Ménager vos peines et sujets,
Oseriez-vous alors Déménager l’inverse ?
Possédant votre Lai sur vos humbles trajets,
Pour toujours un Délai n’en connaîtra l’averse.

Votre vie Composée dans un poème, un soir,
Ne sera par d’aucuns oncques Décomposée :
L’écrit est un bienfait et son souffle encensoir
Tant sous l’aube consume une pensée posée !

Et si par un matin «Elle» oublie de vous Lire,
Accoudée au balcon, sur l’ourlet de son Lit,
Ne vous souciez point de ses yeux en Délire,
Car aimant vos mots doux ne fait aucun Délit !

Foncez quand va la vie, allez ! Défoncez-vous !
Ne vous retenez pas ! Riez ! Tenez l’accord !
Détenez chaque instant tel un fier rendez-vous :
La vie n’a que pour murs votre propre décor.

La Lice vous déplait : Qu’a-t-elle pour Délice ?
Vous rêviez sans frontière et sans même conter…
Les maux de votre état, sans Défi, par malice,
En vers se répandront faisant Fi de compter !

Sous la lune engourdie : Sabrez ! Fendez du bois,
Ne vous Défendez pas de l’héroïque cause :
Parfois pendant l’hiver Déchante le hautbois.
Chantez ! Enivrez-vous ! Et savourez la pause !

Il me restait à faire le Port et le Déport,
Le Pote, le Despote et le Sein, le Dessein,
Descendre et puis la Cendre, et même plus encor
Comme Voir et Devoir au creux d’un traversin !

Je vous ai prévenus tout au commencement
Comme Faire et Défaire est souvent difficile !
Tenez ! Filer la laine est un enchantement,
Défiler sur un fil est chose moins facile !

Qu’importe le destin en la Luge qui glisse,
Il arrive que naisse un Déluge au printemps :
Mais l’âme n’a besoin, ni de lac ni de Lisse
Quand le hasard Délisse en se moquant du temps !

©Jean-mi

1 Tenir le dé : être maître d’une situation.
2 Quitter le dé : renoncer à une entreprise.
3 De-, Dé-, Des- ou Dés- : élément du latin «dis-» qui indique l’éloignement,la séparation, la privation.
4 Décime : la dixième partie du franc, la taxe perçue par le roi sur le clergé sous l’ancien régime.
5 Lisse : en rubanerie, ensemble des fils de chaîne employé dans la fabrication d’un ruban, soutenu par un lisseron (ou liceron).
6 Délisser : en papeterie ancienne, découper les chiffons à une dimension déterminée.




Ecrit par Jean-Mi
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