Répliquant perpétuel

Je fus longtemps déçu par nos aînés lointains
Qui, sur les monts de Geneviève ou de l'Olympe,
Aimaient à bambocher, à s'en crever les tympes,
Pataugeant dans la boue, la fiente et le crottin.

Les cités de légende n'étaient pas de marbre.
La ferme à ciel ouvert où régnaient le cochon
Et les mouches chassées à grands coups de torchon,
Voici de quoi fut fait de notre destin l'arbre.

Et, pour se dégager de toute cette bouse,
Certains visèrent dans les cieux un coin d'espace
Où bâtir leur maison, s'installer dans la place
Réservée à l’étoile... et à quelque barbouze.

Fils d'Amon-Ra, de république puis d'empire,
Combien longue est la queue d'attente à ce guichet,
De vieux et de moins vieux agitant leur hochet,
Craignant que, point trop tôt, leur vanité expire

Afin de se trouver, après tous être entrés,
En compagnie de Zeus, de Jason ou Vénus,
De se sentir, auprès d'Hugo, les bienvenus,
Et sans éducation, dans la gloire vautrer.

Cette maison de passe assemble tous les dieux.
Peu me chaut ! dit le mort, le vif y tient beaucoup,
Pour sa place frayer, il donne tous les coups,
Le Panthéon s'ouvrant, cet hui, au plus odieux !

Lorsqu'il était bébé, et qu'il était bien sage,
Obéissant, jugé suivre bonne conduite,
Donnant juste répons, cet enfant de mérite,
On le récompensait de bons points et d'images...

Il obtiendrait plus tard, du galon, le bâton,
Sur le col la médaille, et même la rosette...
Il suffirait, d'être premier à toute fête,
Pour encore gagner son diplôme en carton.

Au fond, ces pères fondateurs qu'on nomme dieux,
Ils étaient comme nous, faux-jetons et furieux !
Puis je compris que ces dieux-là n'existaient pas
Et que, tous en bouillis, se trouvent au trépas ;

Et qu'il fallait combler cette place vacante
Avant que toute chair en gaz ne se décante !

Je créerai donc un dieu, que je pourrai aimer,
Et craindre tout autant, comme un enfant fautif.
De l'achever sans doute étais-je trop hâtif ?
Ensemble impatience et sueur sont semées...

Je me prosternerai devant ma créature
Qui, sur moi, aura droit tant de vie que de mort.
Est-ce en le répétant qu'on tord le cou du sort,
Évacue le hasard de la vive aventure ?

Enfin une boussole indiquera la voie
Que suivre je pourrai sans nulle inquiétude.
Offensif innocent, vers la béatitude
J'irai, écrasant tout avec un cœur en joie !

Je suis l'homme nouveau, je suis cet exécrable,
Duquel l’œil et la voix vous font froid dans le dos,
Car, dans sa boite noire, aura été enclos
Ce vide mystérieux qu'on dit impénétrable.


© Persona

Ecrit par Jim
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