Marie (*)

Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C'est la maclotte (**) qui sautille
Toute les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie

Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux

Les brebis s'en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d'argent
Des soldats passent et que n'ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je

Sais-je où s'en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne
Que jonchent aussi nos aveux

Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s'écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine


(**) maclotte: contre-danse. Mot wallon (Ardenne, Hesbaye), attesté en 1780 (sous les formes maclote et mat(e)lote) par le poète liégeois J. J. Hanson.

(*) Marie Laurencin, née le 31 octobre 1883 à Paris est une peintre et graveuse française. En 1907, elle expose pour la première fois au salon des Indépendants. A la Galerie Clovis Sagot à Paris, Marie rencontre au mois de mai (1907) son ami Pablo Picasso qui la présente à Guillaume Apollinaire, de trois ans son aîné. Marie fut sa compagne et sa muse, mais le quitte en 1912 après 5 ans d'une liaison orageuse.


Ecrit par Guillaume APOLLINAIRE
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