Un grand alexandrin
La moustache cirée aussi bien que ses bottes,
sanglé d'un rase-pet à damner les bigotes,
un mâle alexandrin, en dépit de la mode,
s’obstine à débiter ses fiers dodécapodes.
Il toise avec mépris la horde des voyous,
ces rimailleurs sans rime, infâmes touche-à-tout,
fanfarons, jolis cœurs qui taquinent la muse
comme on fait d'une fille, en usent, s'en amusent
et, l'ayant humiliée, couchent sur le papier
des vers sans queue ni tête errant à cloche-pied.
"Pisseurs de mirlitons, cela se dit poètes !"
ronchonne le grand niais entre ses rouflaquettes,
sa badine frappant le tempo de ses mots,
quand surgit, lumineuse, aérienne, Margot
dont il est amoureux plus qu'on ne saurait dire.
Pour elle chaque nuit il torture sa lyre
émaille ses sonnets de preux enjambements
et de hardis rejets le laissant pantelant.
Pour elle il donnerait … Elle passe légère,
l'effleurant d'un œil pers plus froid qu'une rapière.
Elle va retrouver ses amis, ces maudits
racleurs de mots douteux et de louches écrits.
Ils riront de concert en mimant le vieux fou
qui recompte ses pieds comme Harpagon ses sous.
Elle dégrafera devant eux son corsage :
douze boutons de nacre, une sorte d'hommage…
Ecrit par Arielle
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