Ballade (2) de l'enfance

Je suis née à Saint-Ouen rue du Lendit.
A peine plus grosse que le poing de mon père,
Qu’une panetière d’osier aura suffi
A refouler mes premières colères.
Bientôt aux bons soins d’une grand-mère
On confia le fardeau si fragile.
Et jusqu’à mon troisième anniversaire
Je désertai la touffeur du fournil

Je reçus miettes et croutons rassis
En place d’affection boulangère
J’abandonnai les trois années bénies
De mon enfance à la gueule d’enfer.*
La gamine que j’étais savait y faire
Pour bondir loin comme animal agile
De ces gens que je ne connaissais guère
Je désertai la touffeur du fournil

Enfin l’âge de raison me permit
De vagabonder la frimousse en l’air.
Solitaire, dans les rues, je me perdis.
Et les ans tous pareils s’empilèrent.
De ce temps, il ne me reste qu’un désert
De souvenances mais en fille indocile,
J’appris à aimer et l’âme légère
Je désertai la touffeur du fournil

Mes enfants, je m’en fus à mes affaires !
Fi de ma famille, je quittai la ville :
Je filai loin comme fille au pair,
Je désertai la touffeur du fournil.


* du temps des fours à bois et des grillons qui chantaient au foyer<br />


Ecrit par Ann
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