J'ai fait le deuil

J’ai fait le deuil de chaque chose,
Jeté au feu tous mes désirs,
Le Vent du Nord fane mes roses
Dans le grimoir’ des souvenirs.

J’étais vivant, me voici mort,
Et que m’importe les saisons,
Je n’ai plus peur des trahisons…
Pas de regrets, ni de remords.

J’ai fait le deuil de chaque pierre,
De chaque grain, de chaque fruit,
Et, reposant dedans ma bière,
Me suis faite ombre de vos nuits.

Le cœur transi et l’âme en berne,
Je n’ai plus besoin de manteau,
Mes yeux sont clos et plus de cernes
Ne viennent parsemer ma peau.

J’ai fait le deuil de l’amitié,
Ses doux serments n’ont plus de mise,
Le Vent les a éparpillés,
Sous les ponts coule la Tamise.

J’ai fait le deuil des mots d’amour,
Le temps n’est plus aux épousailles,
Je n’entends plus les troubadours,
Ni les oiseaux dans les broussailles.

J’ai fait le deuil de chaque Source
Qui se donnait au gai Torrent,
Je ne verrai plus la Grand’Ourse
Danser au cœur du Firmament.

Je ne pourrai, au clair de Lune,
Frôler les chevaux du jusant
Ni me promener dans les dunes,
Main dans la main, avec le Vent.

J’ai fait le deuil de l’Océan
En jetant mes mots à la Mer,
Je me suis donnée au néant,
Comme le Vent va à l’Hiver.

Pour vous, je me ferai torrent
Qui rebondit sur la lagune,
Je reviendrai, de temps en temps,
Ensoleiller vos clairs de lune.

Pour vous, je me ferai saisons,
L’hiver, l’été et, au printemps,
Dans chaque vol de papillon,
Vous saurez que je vous attends.

Sachez, qu’au tout petit matin,
Quand vous ouvrirez une porte,
Je serai là comme une escorte,
C’est moi qui vous tiendrai la main.

Et lorsque vous serez moroses,
Pensez que je ne suis pas loin,
Et c’est en cueillant une rose,
Que s’en iront tous vos chagrins.

Quand vous dormirez, solitaires,
Je serai là, à vos côtés,
Sachez, enfants, que sur la terre,
C’est moi qui viendrai vous border.

J’ai fait le deuil de vos musiques,
A mon piano désaccordé,
Ma symphonie est pathétique
Sous mes doigts désarticulés.

J’ai fait le deuil de mille choses,
Le temps n’est plus aux souvenirs,
Dans le grimoir’, fanent mes roses…
Le Vent du Nord vient de mourir.




Ecrit par Antigone
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