La grosse anguille



La grosse anguille est dans sa phase
Torpide : le soleil s’embrase.
Au fond de l’onde qui s’épand,
Huileuse et chaude, elle se case
À la manière du serpent :
Repliée en anse de vase,
En forme de 8, en turban,
En S, en Z : cela dépend
Des caprices de son extase.

Vers le soir, se désembourbant,
Dans son aquatique gymnase
Elle joue, elle va grimpant
De roche en roche, ou se suspend
Aux grandes herbes qu’elle écrase,

La grosse anguille.

L’air fraîchit, la lune se gaze ;
Moitié nageant, moitié rampant,
Alors elle chasse, elle rase
Sable, gravier, caillou coupant…
Gare à vous, goujonneau pimpant !
Gentil véron, couleur topaze !
Voici l’ogresse de la vase,

La grosse anguille !




Ecrit par Maurice ROLLINAT
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