Ô viens ma fleur

Ô viens ma fleur que je te déshabille
Laisse moi découvrir la profonde vallée
Qu entre tes reins nul glacier ne creusa
Laisse moi parcourir ces sentes sur tes seins
Qu'aucun souffle jamais n éroda
Ô viens ma parure au ciel décoiffée
Quelle forêt jamais ne sut mieux vaincre mes incendies
Laisse moi me noyer dans le flot de ta voix
Étouffer sous le poids de ce marbre
Où taillés furent par la main sûre des ères
Le galbe de tes lombes l'arrondi de ta hanche
S'il est un qui un jour rechercha le parfait
Cette idée vers laquelle il faut tendre
Cette ombre à la paroi de la caverne
Qui dicte à la raison tout le frémir des sens
S'il est un duquel tout autre procède
Je sais pour l'avoir dessiné
Guidé par la ligne que propose ton corps
Qu'il n est de poésie qu'il n'est géométrie
Hors cette foule d'assertions
Qu'offre à mes yeux à mes mains
L'unité de ta diversité
Que laisse ta rivière au lit que longtemps elle creusa
Le limon des temps futurs l'empreinte des montagnes l'éternité des océans
Dans la nuit de tes yeux le ciel se découvrit et s'étira à ta semblance
Et quand tu vis notre frayeur face à ton immensité
Pour ménager l'enfant craignant croquemitaine
Tu couvris ton azur de la buée de ton regard ô ces nuages qui s'épandent
Je ne connais d'autre orage que clignement de tes paupières
Je ne connais d'autre fureur que le frémir de ta peau
Et ne crains autre absence que celle du silence quand tu t'effaces
Indépendante insolente incessante primesautière
Car ton vouloir est fantaisie tel un soupir de lassitude et de patience
Et tu meubles la durée d'un haussement d'épaules quand tu te tournes en ton lit
L'étendue naît de ton corps prélassé sur les draps
Et tu donnes à l'espace matière de ta seule substance
Laisse moi laisse moi découvrir d'où surgissent les flots et les bois tes zéphyrs
Laisse moi te dévêtir ôter ces voiles qui masquent mon dépérir
Tu ne sais rien de ce pouvoir dont tu abuses du fait seul que tu sois
Et je suis condamné à demeurer hors de toi quoique je puisse
Malgré tous mes énervements malgré tous mes échauffements
C'est Sisyphe condamné à rouler son désespoir sur le flanc des vanités
C'est Prométhée qui offre son foie aux caprices de tes jeux
C'est cette bête cornue qui jamais dans son dédale ne vit ton fil libérateur
Laisse moi rêver croire espérer qu'un jour je trouverai la fin de mes désirs
Laisse moi ma nuit mon aube mon Atlantide solitude mon sable ma pluie
Laisse moi durer encore un peu auprès de toi
Comme caillou convoite la terre
Comme lumière envahit l'atmosphère
Comme l'oiseau caresse les vents
Laisse moi passer ride timide sur le battement de ton lac
Que sais-je d'autre qu être Poucet perdu dans ta forêt
Qui fuit en empochant ses cailloux cet ogre qui le suit son ombre
Car je suis si petit insignifiant ridicule devant ton nom qui m'échappe
Donne moi le baptême d'un baiser
Que je sache où je suis
D'aussi près de toi infiniment éloigné
J'ai si peu à attendre que c'est déjà trop pour ce cœur effrayé
Le pilori de tes pupilles retient ma chute dans le vide
Ce sûr supplice de ma certitude d'être
Cette joie meurtrière d'approcher de toi mon origine ma fin
Aimer n'est qu'apprendre à boire son propre poison
Découvrir la saveur du Styx délectable
Et j'ai appris à tes baisers toujours cédés jamais donnés
À suivre vers ta bouche le chemin de désespérance
Laisse moi jusqu à ce jour où je pourrai
Où je pourrai enfin
Enfin te laisser
Ce jour enfin
Où je pourrai
Où je pourrai enfin
Te rencontrer
Déshabillée.




Ecrit par Jim
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