Botada sur la mort d'un bon companhon

A de bon, companhons, imaginem cossi
La verenhaira Mort non s'i palpa bocin ;
L'ome, coma un rasim quihat sur la soqueta,
Diu sentir qulque jorn le tahl de sa piqueta ;
Dins le clot, per panièr, l'Auriva met a bas
Le negre damb le blanc, le madur damb l'agràs.
Totis n'èm qu'un sospir a sa trista musica
Que la prova de nau a son aritmetica.
Le petit camparol que culhis un pastor,
Le tutet que l'om fa sus un cap de canton,
Ombra, polvèra, son, fum, bodofletas d'aiga,
Petit molin de prat a la sason primaiga,
Qu'es adesara flor, e dins un pauc serà
Un floquet de borrils que le vent desfarà.
B'au sentic, l'autre jorn un janti Camarada
Damb qui le passatemps a fait sa retirada
Damb el l'èrba del gaug es tombada pel sol
E le Rire despuèi plora sus son lençol...


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Fantaisie sur la mort d'un bon camarade


Pour de bon, Compagnons, imaginons comment
La vendangeuse Mort n'y va pas de main morte ;
L'homme, comme un raisin fixé au cep de vigne,
Doit sentir tôt ou tard le tranchant de sa serpe ;
Dans le trou, par paniers, la féroce déverse
Le noir avec le blanc, le bien mûr et le jeune.
Chacun n'est que soupir à sa triste musique
Que la preuve de neuf à son arithmétique.
Le petit champignon que cueille le berger,
L'attente d'un moment au coin d'une ruelle,
Ombre, poussière, son, fumée et bulles d'eau,
Petit moulin des prés à la jeune saison
Qui est à présent fleur, et dans bien peu devient
Un bouquet de flocons que le vent défera.
Voilà ce qu'il advint à un bon camarade
Chez qui l'amusement a battu en retraite
Avec lui, la gaîté est retombée à terre
Et le Rire, depuis, pleure sur son linceul.


(1621)

Godolin, un poète au cœur de Toulouse – Pierre Escudé – Ed. : Loubatières


Ecrit par Péire GODOLIN
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