La maison serait pleine de roses

La maison serait pleine de roses et de guêpes.
On y entendrait, l'après-midi, sonner les vêpres ;
et les raisins couleur de pierre transparente
semblerait dormir au soleil sous l'ombre lente.
Comme je t'y aimerais ! Je te donne tout mon cœur
qui a vingt-quatre ans, et mon esprit moqueur,
mon orgueil et ma poésie de roses blanches ;
et pourtant je ne te connais pas, tu n'existes pas.
Je sais seulement que, si tu étais vivante,
et si tu étais comme moi au fond de la prairie,
nous nous baiserions en riant sous les abeilles blondes,
près du ruisseau frais, sous les feuilles profondes.
On n'entendrait que la chaleur du soleil.
Tu aurais l'ombre des noisetier sur ton oreille,
puis nous mêlerions nos bouches, cessant de rire,
pour dire notre amour que l'on ne peut pas dire ;
et je trouverais, sur le rouge de tes lèvres,
le goût des raisins blonds, des roses rouges et des guêpes.


de l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir (1888 – 1897)
Ed.: Mercure de France / NRF – Gallimard (1971)


Ecrit par Francis JAMMES
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