Solitude

Loin du monde, je vis tout seul comme un ermite
Enfermé dans mon cœur mieux que dans un tombeau.
Je raffine mon goût du bizarre et du beau,
Dans la sérénité d’un rêve sans limite.

Car mon esprit, avec un art toujours nouveau,
Sait s’illusionner — quand un désir l’irrite.
L’hallucination merveilleuse l’habite
Et je jouis sans fin de mon propre cerveau...

Je méprise les sens, les vices, et la femme,
Moi qui puis évoquer dans le fond de mon âme
La lumière... le son, la multiple beauté !

Moi qui puis combiner des voluptés étranges
Moi dont le rêve peut fuir dans l’immensité
Plus haut que les vautours, les astres et les anges !...


(1887)
Référence : http://www.paradis-des-albatros.fr/?poeme=valery/solitude


Ecrit par Paul VALERY
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