Sur un banc


Il était installé à l'un des bouts du banc
Quand elle vint s'asseoir, à l'autre bout du banc ;
Ça ne fit pas de bruit, juste un petit froufrou,
Un frisson de satin, comme une brise d'août ;

Ça ébranla un peu l'extrémité du banc,
Oh, juste un petit peu, un léger tremblement.
Il ne tressaillit point, ne bougea pas un cil
N'osant croire, déjà, au début d'une idylle.

Et puis il l'entendit dégrafer son manteau…
Alors s'épanouit, comme rose à l'aurore,
Une senteur poivrée qui sourdait de son corps,
Un parfum envoûtant d'iris et de lis d'eau.

Et soudain, sur ce banc, dans ce quartier banal,
Son enfance surgit d'un coin de sa mémoire,
Les draps de grosse toile, au profond de l'armoire,
Sa mère et ses baisers, quand il avait trop mal.

Il lui semblait aussi sentir sur son palais
La confiture de coings, dans la cuisine fraîche,
Et, sous sa main d'enfant, la caresse un peu rêche
De la nappe à carreaux, tout juste amidonnée…

Lorsqu'elle se leva, de l'autre bout du banc,
Il sut qu'il ne pourrait plus jamais oublier
Cette femme inconnue, un court instant frôlée,
Rencontre de hasard, un cadeau du printemps.

Il l'aimerait longtemps, la jolie demoiselle,
Dont le parfum était tout ce qu'il saurait d'elle,
Et les sens en émoi, heureux comme un dimanche,
A tâtons, sur le banc, reprit sa canne blanche.





Ecrit par Sucre et sel
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