L'encre gèle


L'encre gèle ! Même les bonnes femmes de neige, clopinant vers la mort en un dégel précoce, acceptent volontiers pour se réchauffer les entrailles, les avances et saillies des fers rougis à blanc.

Tout autour, aspire à pleurer, à fondre, à dégeler, liquéfier, réchauffer la poésie; même les peintres se plaignent du réchauffement de la palette !

Bic, luges, crayons, raquette, pinceaux, ski, traîneaux, tout peut écrive les traces de l’amour dans la neige ; il n’y a plus de saison, plus rien des neiges d'antan, rien que des nuages et des nouages pour écrire les mots en leur dernière demeure.

Les lettres glissent, ma langue fourche, mes lèvres sucent et lapsusent , absurdes ! Elles manquent de mots, elles ratent leurs mots, car dedans comme dehors , il fait un grand froid de sorbet !
Il neige sur Liège chantait Brel en pensant aux Marquises. Pour ne pas glisser hors la marge, j’ai pourtant mis de la morale et de la raison, des chaines à mes pneumatiques, des roues neiges à mes phrases, des arceaux à mes vers, des patins synthétiques pour accrocher la censure.

Mais, de fourvoiement en égarement, tout glisse et va, la couche de neige fait obstacle.

Entre le réel et moi, la glace est encore trop épaisse pour écrire sans rature.

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Ecrit par Reumond
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