Sauf l'âne et le prêtre

Tassés comme poissons dans un banquet de noces,
Ne sachant point encor' – naïveté précoce,
Où l'arche poserait son ancre, dans quel port,
Les jeunes survivants, pour tromper leur angor,
S'amusaient à séduire ici les demoiselles.
Eh quoi, que faire d'autre ? Agitez vos crécelles,
Autant qu'il vous plaira. Si nous devons mourir
Dans cet itinéraire, au moins laissez-nous jouir
Avant de rendre l'âme ! Échevelé, tout vert,
Le prêtre se retourne. Il a le mal de mer.
Être seul au milieu de la foule excitée
Décourage plus d'un berger quand la marée
Prétend vaincre l'esprit ! S'éloignant comme il peut
Des autres, sur le pont, l'âne, affamé, pouilleux,
Tend son long cou docile au pasteur qui chancelle.
Il s'en fallut de peu qu'il quitte la nacelle
Agitée par les flots. Merci, mon bon ami,
Murmure le passeur par ce geste surpris.
L'animal brait gaiment, ses pavillons notoires
Tendus vers le zénith en signe de victoire.


L'animal est triste après l'amour, sauf l'âne et le prêtre. Ernest Renan









Lignes brisées ©M.KISSINE – ISBN 9782919390175




Ecrit par Madykissine
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