La chambre vide

Depuis cinq mois, la chambre neuve attend Romaine.

O chers babils ! comme vous serez bienvenus.

Du berceau qui languit semaine après semaine,

Monte un amour plus saint que tous les dons connus.



Son petit nom choyé sonne telle une gloire ;

D’une aube à l’autre, il est le seul qu’on veut ouïr.

La layette déborde aux recoins de l’armoire

Et maint jouet rêve à ses doigts pour l’éblouir.



Pâle, songeuse, ouvrant des lendemains féeriques,

La blonde mère agite un arc-en-ciel de vœux.

Même les coups reçus lui parlent d’Amériques

Où galopent ces mots : "je la veux, je la veux".



Le père à moitié fou câline son beau ventre.

Quel doux miracle ! A qui va-t-elle ressembler ?

De tout, elle est l’écho, de tout, elle est le centre,

L’ineffable Romaine ardente à s’envoler.



Le soir les rend confus de chaudes griseries,

Le matin virginal se colore de chants ;

Et par-delà le monde, avec des mains fleuries,

L’enfant jette à leur cou ses menus bras touchants.



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Mais la mort frappe aussi les chérubins sans âge.

Aucun cri n’est venu resplendir ce jour-là.

La maison endeuillée a changé de visage.

Leurs yeux, leurs pauvres yeux ont perdu tout éclat.



Ils n’entendront jamais son gazouillis céleste.

Le destin fourbe et sot l’a prise en criminel.

Au bout de tant d’amour, comme tombe, il ne reste

Que cette chambre vide au silence éternel.




Ecrit par Thierrycabot
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