Le visage rongé par la mer (Sur une tête de marbre)


J'avais quitté jadis Arelate la belle
Aux bords de Rhodanos aux portes de la mer
Je m'en souviens d'ailleurs comme si c'était hier
Ma galère a sombré j'ai coulé avec elle.

Vingt siècles j'ai dormi dans les sables mouvants
J'ai connu les tiédeurs de l'été, les froidures
Le grouillement furtif et visqueux des silures
Et le vortex puissant des flux et des courants.

Le sel et le baiser acide des cliones
Ont lentement rongé le marbre de ma peau
Mon corps a disparu dans le brouillard de l'eau
Je ne suis qu'un regard que la vie abandonne.

Les siècles ont passé et pendant mon sommeil
Le Rhône m'a bercé de ses chants de silence
Puis on m'a remonté sous le ciel de Provence
Pour trouver inchangés le ciel et le soleil.

Ma cité m'apparut belle et toujours prospère
Mais l'Empire n'est plus, il n'est plus d'Empereur !
J'ai découvert l'odeur et le bruit des moteurs
Des costumes nouveaux, une langue étrangère.

Mais je ne suis pour vous qu'un vestige lointain
Que viennent contempler les enfants des écoles,
Un témoin du passé, peut-être le symbole
Du Temps qui passe et fuit vers un but incertain..


<br />
(Sur une tête de statue exposée au Musée d'Archéologie d'Arles)


Ecrit par Dago
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