La fable envolée

Je vous écrivais cher lecteur quelque fable édifiante à la croisée.
Et les premières lettres s’alignaient déjà bien sagement en vers, en strophes,
Quand un petit S malicieux s’échappa de mon stylo
Pour aller reposer sur le géranium somnolant
Sur le bord de la fenêtre ouverte aux chants des oiseaux.

Tous mes mots jolis et même les raturés se délivrèrent de la feuille.
Je voyais mes idées, les syllabes et les lettres avec leurs chevaliers les accents
S’enfuir en phrases entières sous le nez d’un point interrogatif
Se raidissant en exclamation postillonnant derrière lui
Trois points de soupir réprobateurs.

Un O tout rond accroché à son bras,
Un E plus effronté que les autres,
La casquette en arrière m’apostropha
Qu’il ne voulait pas finir en boule dans la corbeille
Et pire encore sous la risée de mes copains rimailleurs.

Et le chapeau oublié par un A trop pressé prit le dernier, son envol.
Ma fable toute entière abandonna et ma tête et le papier.
Et l’alphabet et toute sa cour s’envola sur le saule
Qui s’ébroua d’une poussière d’encre joyeuse,
Portée sur un nuage pour d’oniriques aventures.

Dans le brouhaha et la bousculade les mots
Bientôt me reviendront fidèles et dociles;
Je laisse près de la fenêtre ouverte une page immaculée
Pour les recueillir en fable, en vers ou en prose,
Que demain cher lecteur, je vous offrirai.




Ecrit par Ann
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