La douche

Il était vingt et une heures, j'allais rentrer chez moi.
Consciemment m'est venue l'idée de me laver avant de partir. Laver ces traces blanches sur ma poitrine. Laver ma peau.
Laver mes lèvres.
Inconsciemment aussi, effacer cette journée toute entière tant je pressentais déjà qu'elle fût une parenthèse politiquement non correcte dans ma vie.
J'ai sauté du lit. Franchi le seuil de la douche.
Au moment précis où l'eau a ruisselé sur ma peau, j'ai été assailli par un sentiment de vulnérabilité, presque de panique.
Est ce que je ne pretais pas le flanc, nue, entre ces quatre murs avec cet homme que je ne connaissais pas encore le matin même ?
Il y avait un film de Hitchcock qui me venait à l'esprit...L'ombre derriere le rideau de douche...."Fenêtre sur cour" je crois.
La boule logée dans mon ventre est montée dans ma gorge. Je réprimais mon tremblement. Je ressentais l'urgence qu'il y avait à fuir cet endroit le plus vite possible qu'importe que je me sentes souillée, il vaut mieux être sale que ... morte.
Ce matin l'homme m'avait montré son couteau, il en avait fait miroiter les cinq lames, j'ai gardé un sourire candide, juste une petite pensée m'a effleurée : Qu'est ce que je savais de ce type au couteau ?
Rétrospectivement, j'avais bien fait d' envoyer hier soir, un message à mon ami :
-Salut Fred,
Demain, huit aôut 2011, tu connais mon goût pour l'exotisme extrème ?eh bien je serai à l'hôtel des trois hiboux à Rennes sur Loue.
Yes !
Avec un mec rencontré sur internet ! Souhaite moi bonne chance.
Dans cet hôtel, on y entre comme dans une prison. On y est comme dans une prison.
En appuyant sur les boutons d'une machine, à l'entrée, tu sélectionnes les critères de la chambre que tu veux retenir, le mode de paiement, une clef tombe, avec le numéro de la chambre, trente six, troisième étage, la clef ouvre également la porte de l'un des trois hôtels. Le piège se referme dans un bruit sec...du sordide pur et dur !
Brrrr...J'ai la gorge sèche, un frisson me parcours le dos, si tu voyais ma gueule !
Bon je t'écris çà au cas où il m'arriverait un truc du genre "disparition".
....

Et j'étais là, sous cette douche.
Et tout à coup, ce réflexe de survie.
Vite, partir,
Essuyer cette eau sur moi.
Vite, ma robe.
Mon sac...
Vite la porte. Il l'ouvre sans problème, ouf.
Clac fait l'autre porte...
Ah l'air frais... la nuit !
Jamais je n'ai tant aimé franchir une porte !
Humer la nuit.

Vite, rentrer chez moi.
Reprendre une douche.
Vite, un mail à mon pote :
- Tout va bien. Demain, je confirme, comme prévu nous ferons du canyoning ou du rafting, (tu choisiras) sur la Loue, n'oublies pas les gilets et tout le matos, c'est toi qui as.
Mary.




Ecrit par Evemarie
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