Nocturne d'Octobre



Or la Nuit était là comme une folle aux bras chargés
De choses miroitantes et qui répète avec l'accent de nos amours ensevelies
Les syllabes de ces formules magiques qu'on lisait dans le Livre des Morts
Constellant de leurs signes hiératiques
Les fresques d'ocre peint des tombeaux égyptiens

La Nuit ! Elle berçait ton cœur à demi réveillé entre terreur et merveille
Entre souterrain humide aux parois desquamant sous le salpêtre
Avec odeur de moisi et souvenirs pourrissants
Et grenier fleurant un été de lavandes et un discret automne au parfum de pommes qui se rident sur des planches lentement
Tandis qu'aux lucarnes du toit tombent des bandes lumineuses et que dans un un coin d'ombre à une poutre suspendus
Rangés par taille décroissante avec leurs minuscules trognes renfrognées
Dorment à poings fermés quelques vespertilions leurs petits corps velus enveloppés dans le sac de peau de leurs ailes croisées

Les bruits qu'on entendait avaient cet écho creux des grandes chambres de manoirs désertes
Lorsqu'on a vendu tous les meubles Qu'il ne reste plus contre les murs que le négatif des tapisseries et les vieilles cheminées que personne plus jamais n'entreprendra de rallumer
Cet écho vide que rencontrent dans l'esprit les photos des albums de famille tellement anciens qu'il n'y a plus de voix pour vous rappeler qui étaient ces visages à la sépia pâlissante

Toi tu te débats dans cette nuit comme un enfant qui cherche à se défaire de la moustiquaire décrochée du ciel de lit mais la chose molle
Et translucide résiste
Et plus tes gestes se font ample et plus tu as la sensation de t'agiter comme un fantôme empêtré dans son linceul
Alors que les rares êtres à t'aimer encore en pénétrant dans la pièce qu'enfument des relents de poésie
Poussent des cris d'effroi en te lançant de longs regards apitoyés

Pareils à ceux que lancent aux déments les infirmiers des asiles psychiatriques
Dans ces moments où ils prétendent voir entre les barreaux des fenêtres des diables qui grimacent sur les toits parmi les cheminées
Ou des anges complètement nus assis sur les nuages exhibant leur sexe visiblement féminin avec des sourires aguichants
Tout cela inscrit sur un présent modelé avec l'argile du passé et qui ne sait plus s'il était hier ou s'il se déroule demain
Depuis tout ce temps qu'un vieil enfant chenu contemple ce qu'il a perdu dans l'image du jour où il a commencé à mourir.



Je voulais le mettre dans NUIT, mais Nuit a disparu de la liste des thèmes...

Ecrit par Lasource
Tous droits réservés ©
Lespoetes.net