Une semaine à Melong

De Nkongsamba jusqu'à Melong
le trajet n'est pas long
mais l'intérieur du taxi
est peuplé plus qu'une galaxie.

On reconnait Melong à son carrefour qui bouge
à ses palmiers ses comptoirs d'huile rouge
et à son eau toujours fraîche
même en saison sèche.

Du lieu où nous sommes le soleil
est défaillant le ciel vermeil;
c'est un camp de plusieurs mètres carrés
recouvert de café.

Ici on appelle les "graines d'or"
mais le café a chuté est-ce un sort?
Il est salissant pour les membres
on récolte généralement en décembre.

Du lieu où nous sommes le papillon voltige
je me lève je faufile entre les tiges
de maïs la nature me ravigote
je suis à la recherche d'une gargote.

Me voici donc au carrefour
mon ventre bouillonne comme un four
je tends une pièce à la gargotière
il est dix-sept heures et un tiers.

La nourriture coûte moins chère en campagne
et beaucoup plus chère qu'une compagne;
attention: ici point de petites filles
elles sont pointues comme des aiguilles.

Vous n'avez qu'à écouter leurs commentaires;
si tu étais vivant, cher Voltaire
tu te rendrais compte sans aucune peine
que ton époque diffère de la mienne.

Les poètes ne furent pas sots
et les filles pleuraient pour les mots
mais aujourd'hui elles préfèrent les sous
et détestent les mots doux.

Les gamines, ce sont des vermines
mais ce poème n'est pas aux gamines;
le temps d'une pause, chers lecteurs
je vous reviens dans une heure.

C'est fait!
maintenant le ciel est parfait
les étoiles sont à l'étude
la lune les ment comme d'habitude.

La case où nous sommes est à genoux
cependant auprès de nous
il y a un soleil qui aboie:
c'est le feu de bois.

Avec ses grands yeux de kamikaze
il réussit à illuminer toute la case
le soleil ne fait pas pareil
le feu est plus fort que le soleil.

Je vous donne les prénoms de mes frères:
Raymond, Guy, Hervé, Matou, et si tu préfères
moi; mais moi, ce n'est pas mon prénom
Ntoka Dibakto, c'est mon nom.

Se laver est une mission impossible
j'ai l'eau le savon, et même la bible
je commence à me gratter la tête
puisqu'il n'y a point de toilettes.

Où sont mes babouches? Hé, canards
revenez-ici, bande de connards
ils ont quelque chose dans la bouche
ce sont mes babouches...

Chance qu'il se fait tard
je ne vais pas vous suivre, pendards
vous avez gagné la bataille
demain la guerre sera de taille.

Nos yeux sont envahis de fatigue
c'est le sommeil qui le intrigue
ne lui résistons pas, mourrons
demain nous ressusciterons.

Mes pieds dans un sac, ma foi
c'est pour lutter contre le froid;
au sol je lance un pardessus
nous nous allongeons dessus.

Le sommeil est sucré, normalement
Vers deux heures Hervé nous réveille brusquement
savez-vous ce qu'il nous dit?
" dehors on crie bandit!"

Chacun sort avec son matériel
le crieur a un pistolet artificiel
Raymond un gourdin Matou un barreau d'acier
je n'ai que mes yeux, ma plume et du papier.

Comment est-ce qu'on devient un poète?
C'est une question un peu bête
je n'ai pas fait de longues études
je dois mes vers à l'habitude.

Voleurs, notre café les a échappé
nous ne les avons pas attrapé
ils ont été rapides comme un train
venaient-ils tâter le terrain?

Dieu a commis une belle bêtise
pas une bêtise mais une sottise
ils a créé les uns travailleurs
il a créé les autres voleurs.

Nous cohabitons avec des extraterrestres
l'enfer c'est le globe terrestre
or dans le ciel, tout est radieux
mais qui suis-je pour juger Dieu?

Si Dieu était moi et moi démiurge
aurais-je permis qu'il me juge?
Dieu a créé l'homme à son image
cette leçon vaut mieux un fromage.

Tu m'as appris la fable
que les rats savent se comporter à table
mais je vais t'apprendre une chose Lafontaine
le café se sèche en une semaine.

La nuit n'est pas obscure avec la lune
au dessus de nos crânes elle est brune
on dirait qu'elle a fait le maquillage:
à quel âge?

Je retourne à notre paradis
plutôt notre taudis
il me reste six jours à Melong
je ne suis pas certain d'aimer le melon.









du 16 au 17 décembre 2011

Ecrit par Chicabala
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