L'espérance
Je l’ai vue animant les rivières captives
Et les doigts et les fronts tout neigeux de sommeil ;
Je l’ai vue égayant des prunelles craintives
Que nimbait d’un éclair le soir jaune et vermeil.
Je l’ai vue à foison comme une cathédrale
Agiter l’infini sous l’envol blanc des chœurs,
Vue encore monter de spirale en spirale
Jusqu’à l’incandescence ultime de nos cœurs.
Elle s’est jointe aux cris, au silence, à la foule,
Aux longs rêves sans suite, aux choix morts sans destin,
A ce qui lutte et vole et retombe et s’écroule,
A ce que la nuit donne et reprend au matin.
Elle a caché la lie où mange le pauvre homme,
Adouci les coups bas redoublés du tyran,
Su rendre quelquefois le mal plus économe
Et conçu dans la boue un avenir plus grand.
Lumineuse malgré l’idéal qui nous leurre,
Elle a repeint le lit de l’ample déraison
Avec les jeux naïfs d’une belle dont l’heure
Va triomphalement sonner à l’horizon.
Contre les fades mets ou les breuvages blêmes,
Elle a cueilli miraculeux et nonpareil,
Le chaud nectar jailli du fond des gouffres mêmes,
En prêtresse que nul ne sèvre de soleil.
Elle a peuplé les nids, elle a bu l’or des fièvres,
Elle a fait exploser les champs bruns du désir,
L’Espérance, la nôtre, aux magnifiques lèvres
Sur lesquelles j’ai vu tous les âges fleurir.
Poème extrait de "La Blessure des Mots"
Ecrit par Thierrycabot
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