La voix du silence

Le soleil tournait sans coup férir autour de la Terre
Je longeai en infinies allées et venues le fleuve
Sans jamais oser me hasarder dans l’au-delà,
On disait qu’il arrosait un verger… Les arbres
En suaves fragrances y ployant sous les fruits

J’avoue que je m’emmerdais bien un peu…
Repoussant des pattes, dépouilles de vers
D’ammonites et trilobites des temps obscurs
Je sifflai la langue tendue au souffle d’air
Qui me répondait par d’agaçants cui-cui volatiles

Je musais donc parmi les fougères géantes
Et les prêles de l’Eden sans penser
Ni à mal ni au lendemain : dans ce temps-là,
On avait tout à profusion… Une libellule
Faisant l’affaire de mon faible appétit

Selon les bons préceptes de notre créateur
J’étais sage ne cherchant noise à personne
C’était facile dans ce désert d’or et de bdellium*
- Il avait tant à faire, Je ne puis lui en vouloir-
Mais Dieu le dos tourné, les exocets** se lâchent !

Les augures ce matin-là n’étaient pas avec moi
J’aurai du me méfier mais le Père ne voulait pas
Qu’on écoute un autre que Lui – le doigt levé, il disait :
C’est moi qu’ai raison ! – avec respect je le dis !
Dans cette histoire il a une part de responsabilité

La femelle, cette enfant de Marie*** pour tromper
L’ennui qu’elle traînait avec son benêt d’Adam
Pour l’éternité me souilla les écailles de ses effluves,
Humeurs et coquineries me serrant si fort le kiki
Que j’en serais mort si la mort avait existé dans ce monde

Elle s’en allait pour ses ablutions à la rivière de lait
Et de miel pour garder la peau douce et le teint frais
Me traînant sur la grève comme un vieux varech
Je la vis manger le Fruit défendu que Dieu créa
Un dimanche dans un geste inconséquent

A mes avertissements, elle me cracha au visage
Les pépins et moi mon pauvre venin, je fus puni,
Je n’avais rien fait et me voilà cul de jatte
Mais dites-moi, dites-moi donc pourquoi
Dieu n’aime pas la tarte aux pommes !

Le Paradis ce n'est pas l'Eldorado


* le bdellium est une gomme un peu comme la myrrhe que les africaines utilisaient pour se laver les cheveux<br />
** Même effet que les mouettes, les poissons volants fournissent une fiente bien grasse et collante<br />
*** d’après un conte recueilli par les frères Grimm


Ecrit par Ann
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