Souvente Plume

Souvente plume et maintes fois
Du fond de ma prison
J’ai barré des bâtons
Au lieu d’écrire un mot
Ầ mon ami Pierrot

Souvente plume et maintes fois
J’ai compté les vieux jours
Où végétait l’amour
Parmi le temps qui passe
Ầ l’ombre et dans la crasse

Souvente plume et maintes fois
J’ai gravé dans la pierre
Quelque lundi de plus
Egayé sans Molière
Par un léger rictus

Souvente plume et mainte fois
Je devais ton regard
Au judas que l’on ouvre
Et contemplais ton fard
Comme un tableau du Louvre

Souvente plume et maintes fois
Dans l’ennui de ma cage
Je n’eus que mon servage
Et que toi pour lumière
Et que toi pour geôlière

Souvente plume et maintes fois
Tu m’as mis sur la paille
Au dormir à la dure
Au lécher des blessures
Ầ l’amour en pagaille

Souvente plume et maintes fois
J’ai détesté ma mère
Par trop d’orange amère
Qu’on offre par usage
Au détenu sans âge

Souvente plume et maintes fois
Dans ma bonne conduite
J’espérais du prévôt
De son cœur de jésuite
Un peu moins de cachot

Souvente plume et maintes fois
J’ai rongé mes barreaux
Ầ m’en user les dents
Ầ jalouser le vent
Qui troussait ton manteau

Souvente plume et maintes fois
J’ai jeté ma gamelle
Contre la porte close
La douleur est femelle
Et mon bras s’ankylose

Souvente plume et maintes fois
J’ai déchiré du ciel
Pour bleuter ma cellule
D’un jour artificiel
D’un bonheur ridicule

Souvente plume et maintes fois
J’ai demandé à Dieu
De la Visitation
Pour te toucher des yeux
Et t’embrasser le front

Souvente plume et maintes fois
J’ai voulu voir du monde
Mais j’étais au ballon
Accorde-moi ta ronde
Par amour pour Valmont

Souvente plume et maintes fois
J’ai pissé sur mes chaînes
Attendant que tu viennes
Attendant que tu viennes
Pour remettre ma peine.




Ecrit par Abelard
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