Les reines d'une nuit

Je la suivais toujours dans la ruelle en fuite
Où des coeurs se noyaient dans de sombres ornières,
Elle allait retrouver ces ménades altières,
Panthères cruelles et filles de Lilith.

Méduses des plaisirs aux fascinantes formes,
Au cuir ensorcelant où s’enivre l’attente,
Leurs regards se perdaient dans des brumes informes
Et leur corps ondulait en volupté latente.

Un fard bariolé poissait leur vrai visage
Celui de la beauté désormais en naufrage,
Leur impudicité sans cesse monnayée
Comme un masque cachait toutes ces vies fanées.

Et bientôt commençait la ronde monotone
De ces spectres hantés qui n’étaient plus personne,
Anonymes pantins, épouvantails lubriques
Espérant assouvir leur désir tyrannique.

Légionnaire abruti, fonctionnaire servile,
Amoureux éconduit ou sénateur sénile,
Anarchiste imberbe, royaliste chassieux,
Evêque en repentance ou artiste goitreux,

Tous venaient rechercher sur vos corps asservis
Les délices éphémères d’un paradis
Qui sitôt approché s’éloignera si vite
Qu’il semblera un mirage lassé, sans suite.

Et vous aurez donné, servantes du sésame,
La précieuse illusion d’avoir chassé le drame
Qui nous tourmente tant, nous, roulant comme un dé
Qu’une main décharnée vers la mort a lancé.




Ecrit par Banniange
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