Le facteur
Je l’aimais bien notre facteur
Quand il partait de bon matin,
Et pédalait avec ardeur
Dans mon village armoricain.
Il saluait d’une courbette
Le vieux curé, l’instituteur,
Les villageois de sa casquette,
Et pour les dames, un mot flatteur.
Il pédalait notre facteur, il pédalait,
De porte en porte… puis il sonnait.
Il frémissait notre facteur,
Quand il tapotait en cachette,
Avec un geste de douceur,
A la porte de Marinette.
Elle l’attirait de la main
Pour un court instant de causette,
Peut-être pour un jeu coquin ?
Pour lui ce jour était de fête.
Il pédalait notre facteur, il pédalait,
Sur un nuage… il souriait.
Facteur poète ou bien rêveur,
Lorsque je croisais son chemin,
Je le voyais humer les fleurs
En s’agitant comme un gamin.
Puis il repartait de plus belle
Vers quelques fermes où les chiens
Le poursuivaient comme un rebelle,
Il repassait le lendemain.
Il pédalait notre facteur, il pédalait,
De ferme en ferme… et il courait.
Au douzième coup de midi,
La tournée à peine achevée,
Notre facteur anéanti
Faisait un crochet au café.
De petits blancs en petits blancs,
Quand toutes les voix se confondent,
Il s’exclamait en zézayant
Ravi de refaire le monde.
Il pédalait notre facteur, il pédalait,
En sinuant… mais il sonnait.
Et c’est ainsi - pendant trente ans -
Qu’il a parcouru les chemins,
En dépit des humeurs du temps,
Pour chaque jour gagner son pain.
Il est parti de mon village,
Les habitants l’ont oublié,
Il n’a laissé de son passage
Que des paquets… et du courrier.
Je l’aimais bien notre facteur,
Je l’aimais bien.
Décembre 2011
Ecrit par Aros
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