Vache, ma soeur


On s'est croisé hier,
Moi dans ma belle voiture,
Ne sachant plus où j'allais,
Elle, les pattes enfoncées dans la boue,
Mâchant longuement, en silence
Un tas de nourriture moderne et puante.
Un faible meuglement pour dire qu'elle m'avait vu.
Sait-elle que demain son maître,
Son père nourricier,
L'échangera contre quelques pièces
Et quelle finira ses jours sous les coups du boucher ?
Peut-être même dans mon assiette ?
Heureusement, nous n'avons guère eu de temps
Pour faire connaissance
Et nous aimer, la douce vache et moi.
Si elle savait, la pauvre bête,
Qu'elle va bientôt mourir,
Continuerait-elle, imperturbable,
A faire la viande et du lait
Pour un patron sans âme ?
Si elle savait …

C'est vrai,
Je sais bien, moi, que je vais mourir.
Et je continue, angoissé,
A faire de la graisse et des mots.
J'absorbe même pilules et philos
Pour retarder et tenter d'affronter
Cette mort imbécile.






Ecrit par Martial
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