Tout au fond du salon

Tout au fond du salon,
Sur le fauteuil vide,
Il y avait quelqu’un.
Une lumière, un livre,
Un être d’exception.

Des souvenirs affleurent...

Il aimait l’esprit, la littérature
Malgré ses maigres études,
Les plaisirs simples de la vie
Autour de son épouse
Qu’il comblait d’un profond amour,
De ses six chers enfants
Dont malgré lui il mélangeait les prénoms
Gravés un à un dans la pudeur de son cœur,
De son potager et de son verger,
Objet de soins si adroits et de tant d’attentions
Qu’ils forçaient l’admiration des voisins,
De ses amis fidèles qui le charriaient
Sur le sport et la politique
Jouant bruyamment aux cartes,
Ecrasant les mégots dans les exclamations…

D’autres aussi, plus cruels,
Où s’entremêlaient des histoires tristes
Surgies d’un passé de douleur,
De chansons déchirées
De ce Portugal d’exil qui ne fut pas le mien,
De silences sillonnés de larmes
Sur ses traits burinés du soleil sans indulgence
Des héroïques maçons d’alors,
Et sévèrement châtiés
Par des épisodes récurrents d’insomnie.
Je le revois, à Noël les yeux brillants,
Maillon central de cette union familiale
Tressée de cheveux bruns et dorés,
Clamant dans son français écharpé
Verre fier à la main, le début des festivités…

Au milieu des rires, je cherche à présent le sien.

Il manque tant cet ami,
Mon père, Papa,
A ma vie, à cette maison,
Et à son fidèle fauteuil,
Tout au fond du salon.


** février 2009 **<br />
<br />
Je remets à l'honneur ce poème, en l'honneur de mon père surtout, arrivé clandestinement en France en 1965. <br />
Il était décorateur tapissier là-bas, il a appris le métier de maçon ici.<br />
Il est décédé ce 12 novembre de l'année 2008, il y a 9 ans exactement, dans sa 78ème année.


Ecrit par Fregat
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