Laissez dormir la momie


Ça faisait bientôt dix mille ans
Que je dormais dans mon tombeau,
Le cœur tranquille, insouciant,
Des bandelettes sur ma peau.

J’étais tranquille comme un roi
Quand ils sont alors arrivés,
Les savants, les hommes de loi
Venus un jour m’examiner.

Ils se sont longtemps affairés
Sur tout ce qui était ma vie.
Ils avaient l’air préoccupés,
Quand soudain moi je leur ai dit.

Laissez-moi dans mon sarcophage,
Allez voir ailleurs si j’y suis.
Épargnez-moi tous vos outrages
Et laissez dormir la momie.

Ils ont mesuré tout mon corps,
Pris mes empreintes et puis que sais-je,
Recherché l’année de ma mort,
Un jour de pluie, un jour de neige.

Ils ont mesuré mes rondeurs,
Tout ce qui fut et qui n’est plus,
Le teint de ma peau, ses couleurs
Et tant de choses inconnues.

Puis ils ont voulu tout savoir
De mes organes mis à nus,
Enfin ils ont broyé du noir
Quand moi je leur ai répondu.

Laissez-moi dans mon sarcophage,
Allez voir ailleurs si j’y suis.
Épargnez-moi tous vos outrages
Et laissez dormir la momie.

Ça fera bientôt dix mille ans
Que je revois vos simagrées,
Vos grimaces et vos faux-semblants
Et tous vos rires forcés.

J’ai entendu tous vos canons
Par-delà les siècles tonner
Et tant d’hommes par millions,
L’un après l’autre s’effondrer.

Et quand je vois vos siècles usés,
Je voudrais revoir pharaon
Et m’enfermer dans mon passé
Pour retrouver Toutankhamon.

Laissez-moi dans mon sarcophage,
Allez voir ailleurs si j’y suis.
Épargnez-moi tous vos outrages
Et laissez dormir la momie.




Ecrit par Lastours
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